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18/04/2014

Il y a des gifles flamencas qui ne se perdent pas

Il y a des gifles flamencas qui ne se perdent pas

 

 

A l'heure où des notes officielles recommandent la chasse aux "Roms" dans les rues de nos villes, j'ai assisté à Séméac (Tarbes) à un récital flamenco, donc "Rom", à un"tablao de pura verdad"

 

A t'arracher des larmes de colère jouissive.

 

"Rom" est devenu le terme générique pour désigner un ensemble de peuples qui auraient une origine indienne. Il s'applique donc aux Gitans, aux Tsiganes, aux Manouches, aux Romanichels... Autant de termes approximatifs, souvent connotés péjorativement. Autant de peuples historiquement persécutés. Autant de résistances séculaires. Autant de cris d'espoir désespéré. Autant de peurs irrationnelles. Autant de feux sacrés au sein des familles de cette race cosmique.

 

Les Gitans qui vivent en Espagne (les "kalés"), "los nuestros", "los de todos", constituent une branche du grand arbre "Rom".

 

De ces grands arbres que nul ne peut abattre, pas plus le vent, le temps, que des petits, tout petits chasseurs de voix, haineux.

 

 

 

"Que l'on bannisse la haine

 

mais que l'on me laisse la guitare

 

Elle rêve et sonne, sonne et rêve

 

illuminant l'envers des cauchemars

 

Désireuse de mondes qui appellent des mondes pour tous.

 

Que l'on me laisse la guitare, si plaintive et pourtant solidaire

 

Si complice.

 

Elle souffre de nos déchirures

 

Elle résiste en ces temps de ressacs asphyxiants

 

Vite, vite, une soleá, une guajira, un tango, une malagueña

 

'Redentoras' Rédemptrices."

 

 

 

Que l'on me laisse les guitares de Manuel Rodriguez et de Daniel Heredia

 

L'un comme l'autre ont un physique et un "toque" torturé

 

si "ensimismado" , si "de l'intérieur"

 

que l'on ne sait plus si le corps est le prolongement de la guitare

 

ou l'inverse, sans doute aussi

 

Manuel a donné à cette noirceur que j'aime depuis l'enfance

 

une profondeur, une mélancolie, une exigence, une éthique rares.

 

Il ne joue pas. Il se joue.

 

Ce soir il a invité un gamin de 17 ans, qui est né avec une guitare entre ces innombrables mains

 

et qui vit dans la pauvreté près de Grenade

 

Ceux qui mutilent, étouffent, écrasent, de tels talents

 

Ce sont les mêmes, les chasseurs de "Roms"

 

Ceux qui ont peur du peuple du flamenco

 

De ces pulsions essentielles de "los de abajo"

 

De ceux qui permettent de respirer

 

Même lorsque les temps sont irrespirables

 

Une beauté sans rivages.

 

Au chant et au violon, deux adolescentes habitées: la "famille Doya"

 

Deux bourgeons qui fréquentent le "duende";

 

Aux percussions, un hyper-cuteur;

 

Et à la danse -mais est-ce de la danse?- le sévillan Pedro Medrano.

 

Qui a dit qu'Antonio Gades était mort? Son âme rôde

 

et ses disciples tutoient les dieux,

 

"zapateando", lui, moi, toi, nous,

 

et se brisent, se redressent, se brûlent, se projettent

 

vers ceux qui donnent leur corps à l'utopie,

 

vers qui sait pleurer le bonheur toujours à recommencer

 

Vers qui sait aimer et comprendre les Gitans que nous sommes tous:

 

"payos" (non Gitans) et gitans, gît tant, au temps des Gitans.

 

 

 

Jean Ortiz