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14/09/2014

BOLIVIE : le mouvement social se mobilise pour la réélection de Evo Morales

La campagne électorale s’est officiellement ouverte ce 12 septembre en Bolivie. La victoire de EVO MORALES (président depuis 2006) est, selon tous les observateurs et les sondages, acquise. Le sera-t-elle dès le premier tour le 12 octobre ? C’est la principale question, très politique, qui se pose à un mois du scrutin.

Les sondages varient selon les commanditaires, mais la majorité donnent le président sortant réélu dès le premier tour avec plus de 50% des suffrages. La droite et son candidat friqué Dora Medina, déjà recalé à deux reprises, est à la peine. Dora Medina, riche patron du ciment, s’il ment bien, a du mal pour l’heure à décoller et à dépasser les 20%. Beaucoup de patrons ont compris que la stabilité du pays et le fort taux de croissance (plus 6,75% du PIB en 2013) leur permet à la fois de participer au développement du pays et de leurs propres affaires.

Pour l’instant tout semble calme, mais il est fort probable que Washington ne s’accommode pas de ce climat globalement paisible jusqu’au bout.

Le mouvement social, les organisations populaires, les communautés, se mobilisent pour « leur binôme » : EVO-ALVARO. Mélange des genres ? Sûrement pas. C’est le mouvement social qui a porté le MAS (Mouvement vers le Socialisme) et EVO MORALES au pouvoir ; ce mouvement de paysans, majoritairement indigène, de paysans, de mineurs, de « cocaleros », d’ouvriers des villes... à forte participation des femmes, continue à s’investir dans le champ politique (en préservant son autonomie), dans la construction commune d’une nouvelle Bolivie. Une co-construction d’alternative en quelque sorte.

Le principal syndicat du pays, l’historique COB (centrale ouvrière bolivienne) des grandes luttes des mineurs, de la révolution nationaliste de 1952, appelle à voter Evo Morales. Elle considère que le syndicat est un des éléments de « la colonne vertébrale du changement social en cours », et elle encourage à approfondir le processus. La COB souligne que ce changement n’est pas tombé du ciel, qu’il a coûté très cher au mouvement ouvrier et social. A une époque où tout s’oublie, la COB n’entend pas avoir la mémoire courte.

 

Jean Ortiz

On l'appelle "Pepe"

ELECTIONS EN URUGUAY... ON L’APPELLE « PEPE »

 

 

On l’appelle familièrement « Pepe », diminutif espagnol de José. Imagine-t-on en France le peuple appeler un président « Pépé » ? La connotation « parrain », maffieuse du terme, l’interdit, même si l’éthique prend l’eau de toutes parts... Et même même... Nul n’oserait taxer de « pépé » Cahuzac, Thévenoud et consort... Cela tomberait sous le coup de la loi. En France, un homme politique peut souffrir de « phobie administrative » tout en restant député.

Les URUGUAYENS l’appellent familièrement « Pepe » à José Mugica. Le second président de gauche (2010-2014) de l’histoire du pays est devenu une curiosité alors que lui, vraiment, est tout à fait « normal», pas people pour deux sous, pas « différent » du tout de « l’Uruguayen moyen », du paysan, de l’ouvrier...

 

Elu président le 29 novembre 2009, le militant José Mugica a continué à vivre dans sa « chacra » (ferme) en compagnie de sa sénatrice d’épouse, et à produire des roses. Il va au turbin avec une voiture modeste de la présidence et un garde du corps (sa vieille coccinelle Wolkswagen de 1987 reste rangée au garage) ; il a refusé 90% du salaire présidentiel (9 400 euros). Il lui reste l’équivalent de 900 euros, le revenu moyen des Uruguayens. Bref, il vit comme avant de devenir président. Il ne fait pas semblant, s’habille modestement, n’a pas changé d’apparence pour la com., ne veut pas vivre dans la luxueuse résidence présidentielle. La fonction ne l’a pas changé. Le pouvoir ne l’a pas corrompu. Et alors ? Ce n’est pas si fréquent ; est-ce anormal pour autant ?

Dans les années 1960-1970, il fut guérillero « tupamaro », ce qui implique encore aujourd’hui jusque dans sa fonction, une cohérence entre un mode de vie et l’horizon recherché. Blessé de six balles, il fut arrêté et purgea 14 ans de prison, avec les traitements spéciaux propres aux militaires du cône sud, sans renier. Libéré en 1985, il rejoint le « Frente Amplio ». La coalition « Front large » de 21 partis, créée en 1971, va du centre-gauche à la gauche radicale, en passant par les communistes, le parti socialiste, le Mouvement de participation populaire de « Pepe »

Le Front brise le bipartisme et gagne pour la première fois les élections en 2004, et le maire de Montevideo, Tabaré Vasquez (centre-gauche) devient président.

 

Jusqu’en 2004 le pays avait subi la « dictamolle » du bipartisme, l’alternance au pouvoir de deux partis bourgeois créés en 1836 : les « colorados » (libéraux ) et les « blancos » (conservateurs), avec une terrible parenthèse (1973-1985) de dicta-dure civico militaire « gorille » et ultralibérale, made in USA.

 

 

La politique du Front large  n’est certes pas « la révolution », mais elle assure une « redistribution » plus équitable, développe des plans sociaux d’aide aux plus pauvres ; le taux pauvreté est passée de 40% en 2005 à 11,5% en 2013. Le taux de croissance atteint 4,4%, l’espérance de vie est de 76,4 ans, le taux d’alphabétisation de 98% chaque écolier a reçu un ordinateur.

Les bons indicateurs sociaux, la diversification de l’économie , la priorité à l’éducation (tous les enfants sont scolarisés), à la recherche, ne font pas oublier une inflation de 8,5%, un taux de chômage de 6,6% et une insécurité résiduelle.

Les réformes sociétales ont placé l’Uruguay au niveau des pays les plus avancés :

en avril 2013 : mariage homosexuel, dépénalisation de l’avortement en octobre 2012 et de la consommation de cannabis en décembre 2013

 

Une politique extérieure de « multilatéralisme », proche du Venezuela, de la Chine, de priorité à la coopération avec les pays du continent ; a rendu au pays sa souveraineté.

Cette politique et ce bilan, teintés cependant de concessions au néolibéralisme, sont vivement débattus à l’intérieur du Front Large ; il semble regagner peu à peu le terrain perdu en reculant devant des réformes de structure. L’extrême gauche ironise sur la « pseudo gauche »: on peut ne pas toucher son salaire et être « une canaille envers son peuple » (sur « Rebelion », Nora Fernandez, 27 mai 2014). Le propos est excessif, outré.

Les élections présidentielles et législatives du 26 octobre 2014 donnent pour l’heure l’avantage dans les sondages (40%) au « vieux » candidat du Frente Amplio, l’ex-président Tabaré Vasquez (2005-20010). Raul Sendic, fils du fondateur des « Tupamaros », a été désigné candidat à la vice-présidence pour le Front. Le symbole a du poids, du sens, et fait grincer beaucoup de dents.

Les deux candidats de la droite et de l’ultra-droite sont deux héritiers, deux jeunes-vieux réactionnaires.

 

Juan Luis Lacalle (41 ans) du parti « Blanco » et Pedro Bordaverry (« Colorado »), tous deux candidats de l’oligo-bourgeoisie, tous deux fils d’anciens présidents de triste mémoire, pourraient s’allier au deuxième tour si Tabaré Vasquez ne l’emporte pas au premier.

L’Uruguay a beau être un petit pays, l’enjeu n’échappe à personne. Washington est désormais engagé dans une stratégie de reconquête et voudrait, à l’occasion des prochains processus électoraux (Brésil, Bolivie, Uruguay), donner un coup d’arrêt aux nouveaux mouvements de libération en Amérique latine, isoler et déstabiliser les révolutions au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, à Cuba... Une stratégie en apparence plus « soft » qu’avec les dictatures militaires, mais le but ultime reste le même. Alors : Yankees : no, pueblos : si !!

 

Jean Ortiz