Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/03/2012

De l'autonomie des universités

De l'autonomie des universités

 

Depuis plusieurs semaines s'est instauré un débat sur le bilan de la loi "Pécresse" (Liberté et Responsabilité des Universités, LRU), dite le plus souvent "loi d'autonomie". Pour le président de la République et son gouvernement, elle serait la mesure la plus positive et emblématique du quinquennat.

A y regarder de près, il s'agit en réalité d'une fausse autonomie, d'une utilisation intentionnelle d'un mot à connotation positive pour masquer un dirigisme renforcé et un désengagement de l'Etat. Les universitaires ont besoin de libertés scientifiques. Qu'en est-il aujourd'hui?

La plupart des financements de la recherche se font sur des "appels à projets" à court terme, et sur des thématiques imposées, au détriment des financements récurrents de jadis. La situation d'asphyxie financière de nombreuses universités limite les libertés pédagogiques et scientifiques. La politique de pseudo-excellence (LABEX, IDEX, Investissements d'excellence, etc.) autoproclamée, idéologie maligne, accentue dans les faits la caporalisation de la recherche, le contrôle sur les contenus, et étouffe tout simplement la possibilité de remplir nos missions. Cette conception méritocratique, concurrentielle à outrance, est tout le contraire d'une politique de promotion et de développement de l'ensemble du supérieur sur tout le territoire.

Deux agences de "pilotage" et "d'évaluation" (ANR, Agence Nationale de la Recherche, et AERES, Agence d'Evaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur) imposent la politique opaque "d'experts" à la démarche technocratique et autoritaire.

Sous "l'autonomie" se cachent surtout le désengagement financier de l'Etat, le transfert de responsabilités financières (masse salariale, patrimoine, etc.) sur les universités. La prétendue "autonomie" accentue la concurrence entre universités, la hiérarchisation et provoque une véritable guerre des tranchées ravageuse. Dans le cadre du "Plan Campus", l'université de Pau n'a reçu aucun financement, alors que Bordeaux s'est vu octroyer un milliard d'euros, préfiguration d'un système à plusieurs vitesses, qui creuse les inégalités; promeut une compétition nuisible entre territoires, établissements, laboratoires, enseignants, personnels...

La hiérarchisation en marche va entraîner progressivement la création de déserts universitaires et la fin de l'université pour tous. La concurrence est l'exact contraire de la coopération nécessaire à la vie des universités. La Loi "Pécresse" a également renforcé la gestion managériale des établissements au détriment de la démocratie. Elle pousse aux regroupements des établissements en "pôles régionaux", pour figurer dans des classements internationaux frelatés.

Dans cette situation chaotique, seuls l'abrogation de la loi "Pécresse" LRU, et le retour à un cadrage national fort, à des missions nationales assurées par des agents de la fonction publique d'Etat, peuvent sauver les universités. Depuis plusieurs années, la restructuration de l'enseignement supérieur et de la recherche s'inscrit dans la politique de la Commission Européenne, de la "stratégie de Lisbonne", du "processus de Bologne", pour soumettre au marché la connaissance, considérée comme une marchandise ("économie de la connaissance").

L'université a besoin d'une toute autre conception de la politique universitaire et de la recherche, collégiale, démocratique, et dotée de moyens à la hauteur des ambitions.

 

Jean Ortiz, universitaire.

Les commentaires sont fermés.