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20/09/2012

Santiago Carrillo l'antifranquiste

 

            Santiago Carrillo est le fils d'un dirigeant socialiste considéré comme "droitier", et qui fut l'un des artisans de la Junte de Casado (début mars 1939) une sorte de coup d'Etat à Madrid, contre le gouvernement front-populiste de Juan Negrin.

            Santiago Carrillo né le 18 janvier 1915, à Gijon, dans les Asturies, militait depuis son adolescence. Il dirigeait les Jeunesses Socialistes qui, en avril 1936 fusionnèrent avec les Jeunesses communistes pour créer les Jeunesses Socialistes Unifiées (JSU) dont Carrillo sera le premier secrétaire général. Il adhéra ensuite au Parti Communiste, en juillet 1936.

            Pendant la Bataille de Madrid, le jeune Carrillo est "délégué à l'ordre public", et membre de la "Junte de défense". On lui attribuera la responsabilité du massacre de Paracuellos, les 7 et 8 novembre 1936, où des centaines de militaires et de franquistes furent sortis de prison et assassinés, pour liquider "la cinquième colonne". La plupart des historiens considèrent aujourd'hui que Santiago Carrillo ne porte pas la responsabilité de cette tuerie, qu'il faut resituer dans les conditions du moment : les fascistes sont aux portes de Madrid.

            Santiago Carrillo s'affirmera progressivement comme un dirigeant communiste de premier plan et le plus proche collaborateur de la Pasionaria. Santiago Carrillo la remplacera au secrétariat général en 1960, lors du VI Congrès du PCE, et y restera jusqu'en 1982.

            En février 1939, Carrillo avait passé la frontière comme des dizaines de milliers de Républicains. Il commença un long exil de 38 ans, d'abord en Union soviétique, puis dans d'autres pays, avant de se fixer définitivement à Paris, où le PCE avait son centre logistique et politique, avec l'aide importante (financière, passeurs, journaux, etc.) du PCF.

            Dès les années 1950, Santiago Carrillo et le PCE prônèrent une politique de "réconciliation nationale", de front anti-franquiste afin d'isoler la Phalange. Le Parti Communiste d'Espagne est dès lors la force principale et motrice de l'anti-franquisme. Cette politique débouchera sur la création en 1974 de la Junte démocratique, incluant une partie de la droite. Le PCE maintiendra cette ligne jusqu'aux accords de la Moncloa, qui permirent une transition sans violence, ainsi que la légalisation du PCE à la Semaine Sainte de 1977. Santiago Carrillo fut, avec Adolfo Suarez, chef centriste du gouvernement, la pièce maîtresse de la transition. L'homme est courageux, il rentra même en Espagne avant la légalisation du Parti, pour l'accélérer, en décembre 1976. On se souvient de son arrestation, et de la perruque qu'il portait alors.

            Cette politique de "réconciliation nationale" est aujourd'hui contestée: elle permit certes la libération des prisonniers politiques etc., mais la revendication de la République et de son drapeau fut abandonnée, au profit d'une monarchie parlementaire. La loi d'amnistie de 1977, est aujourd'hui considérée par beaucoup comme une loi d'impunité qui verrouille toute remise en cause du franquisme.

            Santiago Carrillo fut également l'un des principaux artisans de l'eurocommunisme, le rejet du modèle soviétique, accentué par l'intervention militaire en Tchécoslovaquie en 1968, qu'il condamna très sévèrement. Cette période fut féconde, mais elle contribua à la division d'un PCE déjà travaillé par de nombreuses fractures. Le PCE ne parvint pas à capitaliser le rôle essentiel qu'il avait joué pendant la dictature, l'héroïsme de ses milliers de prisonniers politiques, de martyrs. Le PCE était le parti de l'antifranquisme, même s'il n'en avait pas l'exclusivité. Les prisons étaient devenues un front de résistance, de véritables universités.

            De plus en plus contesté, Santiago Carrillo, après une nième crise interne du PCE, quitta le secrétariat général en 1982, et s'éloigna du parti en 1985. Il tenta de créer un petit groupe, sans lendemains. Carrillo et ce groupe rejoindront le PSOE en octobre 1991. Même si ses positionnements politiques restent contestés, Santiago Carrillo est considéré comme l'une des plus grandes figures politiques du XXe siècle espagnol, un combattant antifasciste de premier plan. Il était devenu depuis sa retraite militante une espèce de vieux sage, écrivant beaucoup, comblé d'honneurs, de reconnaissance, de médailles.

            Nous sommes des millions à nous souvenir de sa dignité, et de son courage lorsque le 23 février 1981, un groupe de putschistes armés, dirigés par le colonel Tejero, fit irruption aux Cortes, en vociférant "Tout le monde à terre!" Santiago Carrillo resta debout, impassible, sans peur de la mort, défiant les fascistes.

 

 

Jean Ortiz

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