11/12/2012
Quelles étoiles?
Quelles étoiles?
Nommer les choses, c'est déjà les faire exister. Nous sommes tous d'accord avec le "dépassement du capitalisme", avec la "rupture" lente et/ou radicale pour aller vers un "horizon", une "visée", nouveaux.
Cet horizon, comme l'a si bien formulé l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano, s'éloigne lorsque l'on s'avance dans sa direction. Il paraît hors d'atteinte, mais il aide à marcher, il fixe le cap.
Ce cap, depuis 2005, plusieurs gouvernements, partis politiques, mouvements sociaux, présidents, d'Amérique du Sud, l'appellent "Socialisme du XXIe siècle". Ils refusent l'étatisme, le "soviétisme" d'antan, etc. mais ils font du socialisme ("création héroïque des peuples" comme l'écrivait le Péruvien J.M. Mariátegui dans les années 1920) la seule perspective véritablement alternative au néo-libéralisme.
Les "révolutions" latino-américaines n'appliquent aucune recette, n'ânonnent aucun bréviaire, mais ouvrent le chemin, tous les jours, en explorant les voies d'un socialisme endogène, démocratique, qui mêle la pensée de Marx, la théologie de la Libération de l'Eglise, l'héritage des Libertadors (Simon Bolivar, José Marti ...) et les valeurs, la conception du monde des communautés indiennes. Cette réinvention, en perpétuel mouvement, a déjà produit des résultats significatifs au Venezuela, en Bolivie, en Equateur...
Les protagonistes parlent d'exemple, de laboratoire, et en aucune façon de "modèle". Pourquoi donc se refuser en France à nommer le cap? Le mot et le concept "socialisme", durement affectés par le repoussoir du "socialisme réel", par la chute du Mur de Berlin, doivent-ils être pour autant tabouisés? L'Inquisition n'a pas invalidé le message du Christ.
Comme l'écrivait Guillaume Apollinaire dans sa pièce de théâtre "Les mamelles de Tirésias", les prédateurs de tout type "éteignent les étoiles à coups de canon. Ils ont assassiné les constellations". Sur le front, la voix d'un capitaine sauveur crie: "Il est grand temps de rallumer les étoiles". "Et ce ne fut qu'un grand cri sur le grand front français". En guise de sauveur, nous savons depuis longtemps que le capitaine est le peuple.
Pour lui ouvrir une perspective, il faut certes "rallumer les étoiles", mais encore faut-il préciser lesquelles... "Ceux qui les rallument", poursuit Apollinaire, "vous demandent de vous hausser jusqu'à ces flammes sublimes". Lourde responsabilités pour nous, communistes.
Nommer le cap, c'est commencer à se hisser vers l'étoile. "Je connais le pouvoir des mots" écrivait le poète russe Vladimir Maïakovski dans son dernier poème, le jour de son suicide. Il écrivit aussi :"Ecoutez! Puisqu'on allume les étoiles, c'est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires". "C'est qu'il est indispensable que tous les soirs, au-dessus des toits, se mette à luire seule, au moins, une étoile". Cette étoile, dans la crise vertigineuse du capitalisme est plus vitale que jamais. Ouvrons donc dès aujourd'hui le chantier alternatif, expérimental, du socialisme du XXIe siècle. Il palpite déjà dans nos luttes, nos résistances. Revendiquons cette utopie nécessaire et concrète.
Jean Ortiz
17:45 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Et René CHAR a écrit dans ses "Feuillets" dédiés à A.CAMUS:
"L'impossible, nous ne l'atteignons pas , mais il sert de lanterne"...
Écrit par : Molino de Viento | 12/12/2012
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