14/12/2013
De Grasse libérez-moi!
De Grasse libérez-moi!
J'ai été pris en otage trois jours du rang par le "Feu-Teu-Meuh": le Festival TransMéditerranée de Grasse.
Sur ce bout atypique de Côte d'Azur, socialement mixte, on cultive encore la solidarité internationale et le partage de la culture. Une équipe de "ringards" y déconstruit les rapports de domination, d'aliénation, et fabrique de la "socialisation", retisse les liens mis à mal par l'ouragan néolibéral dévastateur. A mon trop humble avis: cette "ringardise" courageuse a de l'avenir.
Je ne connaissais de Grasse que sa géo-localisation; je n'étais pas au parfum de ses essences, de l'industrie jadis florissante et prestigieuse des dits parfums, des arômes alimentaires...
J'ai "détrainé" la veille à Cannes, avec mon allure de mastodonte mal-léché, allergique au fric et à la frime. J'ai tenu à monter seul des escaliers froids et impersonnels, semblables à tous les escaliers, avec pour tapis rouge mon manteau noir; m'imaginant au bras de la mythique Flora Trabuco... A la Libération, les ouvriers de la CGT et du PCF mirent les bouchées doubles pour que le Festival redémarre. La Croisette sans le "fun", le "m'as-tu vu", le people, la mousse, les paillettes... est peu de chose à côté d'un front de mer cubain.
Je suis ensuite arrivé à Grasse, sous un ciel d'une luminosité liquide. Un bleu de Klein. J'ai ressenti le "flechazo" (coup de cœur) que l'on éprouve lorsque l'on croit aimer, et vécu des moments rares de grâce, de "duende" éphémère et définitif.
Je devais dans quelques heures parler du Chili qui, c'est bien connu, a une longue frontière méditerranéenne..."L'exil est rond" disait Neruda; il aurait aimé que Christophe Colon découvrît l'Europe. Dans cette ville au charme de corps, Fragonard a vécu. Rubens expose la souffrance à la cathédrale. A quelques kilomètres de Grasse, Fernand Léger anti- muséifie superbement sa confiance dans les constructeurs, les bâtisseurs d'aurores nouvelles à accomplir.
Je suis accueilli au Festival TansMéditerranée et accompagné par une déesse (à défaut de Simca 1000) aux cent bras, une Marie Chantal qui tour à tour joue l'histrionique, s'érige en Diane commanderesse, en cuistode "d'empanadas" chiliennes, enrégimente, perd les clés de sa voiture, te fait marcher à la vitesse d'un adolescent sportif. De sa voix fluette, elle salue tous les grassois et ssoises.
Le président du Festival est lui aussi "un personnage", chaleureux, charismatique, profond. Un homme aux fortes convictions humanistes, apprécié par la population.
Au Palais des congrès, les Chiliens de Paris ont monté une expo-jeu de miroirs; un dialogue réussi, douloureux et accusateur, entre peintres et poètes de l'exil chilien. Quant à moi, j'ai dû toréer "al alimon" avec un petit-grand bonhomme, avocat chilien (barbu mais chauve) des Droits de l'Homme: Eduardo Contreras. Il déposa le premier recours judiciaire contre Pinochet et a réussi récemment à obtenir l'exhumation des restes de Pablo Neruda. Nous sommes complices depuis tant d'années...Je le traduis tellement fidèlement que parfois le public s'esclaffe. Ce public du Festival est curieux, averti, informé. 26 ans de F.T.M!
Le quotidien "Nice-Matin", rend compte de la dernière séance du conseil municipal, haute en couleurs et en symboles. L'opposition (communistes et socialistes) a refusé de siéger. Et le sénateur-maire (maire depuis 20 ans), a dû surveiller prostates et vessies pour obtenir le quorum à chaque vote. Le conseil a décidé, entre autres, de faire payer dix euros l'entrée du prochain concours "Miss Grasse". Cela sent vraiment la fin de règne; la République bananière. Les loups ne sont pas que dans le Mercantour.
Lui, éclat de montagne, on l'aperçoit, au loin, emmitouflé de neige.
Il n'en pense pas moins...
Jean Ortiz
15:24 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
On était très heureux que tu promènes ta silhouette d'ours apprivoisé parmi nous.
Ta famille s'agrandit dans le sud tu peux passer à l'Est.
MC
Écrit par : MC | 16/12/2013
A qui tu as envoyé un livre de poésie t'annonce sa réception, et t'en remercie. Connais-tu le livre de Razola y Constante "Triangle bleu, les républicains espagnols à Mauthausen" ? J'imagine ta réponse de spécialiste : "Claro que sí, coño !". Si no te lo envío. Si si, te haré una otra propuesta pronto. Hasta luego !
Eric
Écrit par : Attias | 17/12/2013
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