03/04/2014
Le Chili toujours au cœur
Le Chili toujours au cœur
Le 22ième Festival latino-américain de Pau a tenu à marquer sa solidarité avec le "nouveau Chili" qui s'avance.
Depuis la victoire du "non" au référendum pinochétiste de 1988, beaucoup d'eau a coulé dans le "rio Mapocho". La "sortie" de la dictature ("la transition"), fut négociée entre Washington et les partis dominants, socialiste et démocrate chrétien. Une transition qui préservait le modèle néolibéral et marginalisait la gauche de rupture. Une transition aux conditions des forces du consensus.
Les années 1990, de pseudo-démocratie, furent complexes; le mouvement populaire se reconstitua lentement. C'est à la fin de cette décennie qu'il recommença à descendre dans la rue.
Le conférencier de la soirée CHILI, Sergio Sepulveda, fut responsable syndical puis secrétaire général de la Jeunesse communiste. Il est de la génération des nouveaux dirigeants politiques issus du récent mouvement social, de la révolution étudiante des années 2010. Ils marquent un tournant: il y aura désormais un avant et un après 2010-2011.
Quarante ans après le coup d'Etat militaire (d'une rare violence), quarante après l'horreur programmée à Washington et froidement exécutée, quarante ans après l'assassinat de milliers de militants anticapitalistes, communistes, socialistes, miristes, chrétiens de gauche...un gouvernement s'engage à réaliser des changements progressistes, avec même une participation ministérielle communiste (la première depuis Salvador Allende), et un groupe de six députés (parmi eux la leader étudiante Camila Vallejo). L'anthropologue communiste Claudia Pascal est ministre en charge des problèmes de la femme. Les attentes sociales sont très pressantes, l'abstention atteint un sommet: 59%, mais le reflux de la gauche a pris fin. Une partie de la gauche de gauche a choisi de ne pas rejoindre la "Nouvelle Majorité". Le modèle néolibéral apparaît fortement contesté, essouflé.
La coalition "Nouvelle Majorité", qui va de la Démocratie chrétienne (divisée) au parti communiste, sur un accord programmatique, a promis une réforme fiscale, une nouvelle constitution (celle de 1980 reste pinochétiste), et le rétablissement de la gratuité et de la qualité de l'enseignement. Tiendra-t-elle ses promesses? Pour Sergio Sepulveda, "pas de chèque en blanc (...) l'essentiel va dépendre de notre capacité à déployer dans l'unité le mouvement social (...) Nous sommes comme les mille pattes (...). Nous avons un pied dans le gouvernement et un autre (ou les autres) dans les syndicats (la CUT est présidée par une communiste), les organisations de base, de quartier, de jeunesse..."
Le premier mandat de la présidente socialiste Michèle Bachelet (2006-2010), en alliance avec la Démocratie chrétienne au sein de la "Concertation", fut purement d'inspiration néolibérale. Le mouvement social peinait à se reconstituer. Le premier signal positif fut la grève du secondaire en 2006, antichambre de la révolution étudiante de 2011, soutenue par l'immense majorité de la population. Puis le combat des mineurs, des Mapuches. Tout cela explique que le deuxième mandat de la populaire Michèle Bachelet (2014-2017) s'annonce sous des auspices biens différents. Il ne s'agit pas, comme se le proposaient Allende et l'Unité Populaire, d'aller au socialisme par la voie électorale, mais de mettre en oeuvre des réformes anti-néolibérales. L'humain enfin à l'épicentre.
"Je veux vivre dans un monde où les êtres seront seulement humains (...) Je veux que tous entrent et sortent en souriant de la mairie. Je veux que l'immense majorité, la seule majorité: tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s'exprimer..." (Pablo Neruda, "J'avoue que j'ai vécu", 1974).
Jean Ortiz
14:43 | Lien permanent | Commentaires (0)
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