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04/05/2015

Lettre intime

Camarade LRRK2

Avec un nom comme celui-là, tu es suspect a priori. Quelle idée de porter un nom de code ! Je viens enfin de comprendre : tu es un « agent de l’étranger » infiltré en moi, dans la « substance noire » (je la croyais rouge) de mon cerveau. Tu voudrais me voiler le soleil, celui qui allume le courage, celui qui refuse de n’éclairer que lui. Tu es détecté génétiquement: rends-toi ! Arrête de m’encrasser les neurones, de filer le blues et de me le flanquer, au lit, à marée montante, au micro, au son déchiré d’une guitare fidèle, au flux incessant de tant d’insomnies, hantées de présents et de souvenirs, inépuisables. Les insomniaques guettent angoissés l’aurore afin de reprendre la marche. Le sens du monde est dans la marche, même incertaine, même somnolente. La marche partagée, collective, au rythme de chacun.

Camarade LRRK2

Parle-moi du sommeil, jadis. Comment c’était une nuit réparatrice, sans combat fratricide ?

Ne m’oblige pas encore et encore à me battre contre moi, en moi, à tenir compte d’un nombril dont je viens de découvrir l’existence. Il me reste la liberté, surveillée, de ne pas y tourner autour. Quel insupportable gâchis . « Se ménager » alors qu’il reste tant de combats à mener, tant de barricades à dresser, tant d’horizons à investir.

T’es une drôle de crapule camarade LRRK2 ! Me contraindre à perdre de l’énergie pour « m’occuper de moi », de mes trous noirs, alors que « les bâtisseurs de ruines », comme les appelait Paul Eluard, eux, ne font jamais de pause. Je me refuse à n’être utile qu’à moi-même. Je me remets donc en selle cent et une fois, de l’aube au crépuscule, mais ce maudit nombril, devenu par trop nombrilique, me rattrape, « siempre ». L’encrassement des neurones résiste à tout acharnement propulsif, mais c’est précisément cet acharnement qui compte. Qui vaut une vie. Les combats inégaux peuvent être perdus : jamais l’éthique de la résistance quotidienne, l’esthétique de l’engagement. Elles nous perdurent, nous transcendent.

 

Camarade LRRK2 :

Je t’accuse aujourd’hui d’intelligence avec l’ennemi, de me trahir tous les matins, lorsque je me lève, enroué, nuageux, au cri fatigué de : « No pasarás ! ». A chaque instant interrompu, je crie: « No pasarás ! ». Mais au final, les dés restent pipés. Tu gagnes toujours, tu passes, tu passes, tu passes, tu dégénères mon blog, tu m’obliges à bloguer en moi, vers moi, pour moi, à devenir une sorte d’égoïste médicalement autocentré.

Camarade LRRK2

Tu prends plaisir à attiser la douleur, ce double obstiné. Cette douleur, toujours recommencée, ne se partage pas. Elle ne mène qu’à elle-même. Elle est trop secrète, trop intime, trop personnelle, pour la socialiser. Hier pourtant, ses racines aériennes se nourrissaient de toutes les souffrances. Désormais, les jours qui passent ne préparent plus des jours meilleurs. Ils ne sont que chemin pentu, incertain, instable. Le monde se mue soudain en jardin étroit. Si étroit qu’il doit demeurer, pour être jardin, universel et altruiste. D’ici et d’ailleurs. Sans doute même plus que jamais. Lutter, « siempre », sur tous les fronts, devient de plus en plus difficile... J’aime la solitude nombreuse, nostalgique, de ma roseraie refuge. Les rosiers du père comme ultime boussole.

Camarade LRRK2

Au final pourtant, la bataille ne vaudra que de l’avoir menée. Mais elle vaudra. On ne meurt que d’abdication. Nulle souffrance n’use définitivement l’espoir, l’épopée , l’enthousiasme, si tu te relèves pour inscrire tes pas (contracturés)))))))))))) dans la marche des humains, celle qui ré-enchante le monde.

Le pire, LRRK2, c’est que tu confrontes ta proie à un réel qu’elle ne peut transformer. Tu voudrais empêcher un homme libre de vivre en révolutionnaire, sans trembler devant les prédateurs acharnés à dépecer l’humanité. Pas simplement l’homme, la femme, les écosystèmes, la Pachamama, l’horizon de tous, la tendresse solidaire, la beauté des invisibles... Toute l’humanité. Toute l’humanité devenue jungle de tous contre tous. Etre révolutionnaire, c’est contribuer, j’en suis sûr, je l’érige en testament, à ré-humaniser l’humanité.

Combien de fois l’ai-je offerte à la criée « L’Humanité ». « Demandez l’Humanité », l’organe central d’une vie. D’une vie. Nada más. La vraie vie. De moi à toi, à l’autre. Tiens, il commence à faire soleil.

Commentaires

Même humoristique, même littérairement belle et élégante, cette mise en mots des maux est terriblement assassine, douloureusement féroce. Or l'écriture est aussi exorcisme. Qu'elle t'insuffle force et thérapie! ¡Hasta la vic

Écrit par : Escuelita | 04/05/2015

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