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02/03/2014

Un documentaire courageux de José Alcala sur l'antifranquisme

Documentaire: José Alcala et l'arme de son père.

 

"Les combattants de la liberté"

 

"Les combattants de la liberté". Avec un titre comme celui-là, le documentaire de José Alcala sur la Guerre d'Espagne et l'anti-franquisme (FR3 Midi-Pyrénées, premier mars 2014) pouvait provoquer des a priori défavorables. Ce qualificatif éculé jusqu'à la couenne a servi toutes les causes, les bonnes et les mauvaises. On se souvient de Ronald Reagan, parlant ainsi des mercenaires de la "contra" au Nicaragua. On pardonnera à José Alcala, car on sait qu'à la télé, comme dans la presse écrite, les titres viennent souvent "de plus haut". L'essentiel n'est donc pas là.

 

Dans "Les combattants de la liberté", José Alcala a réussi un documentaire à la fois intime et universel, sur "la vie de lutte des guérilleros espagnols". Le réalisateur englobe les passeurs, l'"Agrupacion" des guérilleros espagnols (AGE) de l'Union Nationale Espagnole (UNE), la longue résistance armée au franquisme, en évitant volontairement les "étiquettes"... L'émotion affleure dès le départ; elle est discrète, humble, mais tenace et gagne chaque fois davantage en puissance. Elle tient sans doute en grande partie à la voix off, celle du fils, neutre au premier abord, mais en réalité chargée d'admiration, de souvenirs d'enfance, de tendresse retenue. Le protagoniste, le père du réalisateur, n'apparaît jamais à l'écran, et, paradoxalement, son témoignage n'en est que plus fort, sa présence que plus prégnante, sous-tendant chaque plan.

 

Ce qui a motivé toute la vie de Manuel Alcala, c'est la lutte antifranquiste et antifasciste. Après  1939 et la "Retirada", la défaite, il poursuit le combat dans les "maquis" de l'intérieur jusqu'en janvier 1948. Puis il réussit à se réfugier en France, avec son pistolet, devenu un frère, un complice, mais confisqué à la frontière.

 

La deuxième partie du documentaire, moins consensuelle, a le courage d'aborder les formes de lutte armée de groupes antifascistes des années 1970, d'inspiration anarcho-communisante. Le premier d'entre eux, dont fera partie Jean-Marc Rouillan, est le MIL (Mouvement Ibérique de Libération). Ce groupe antifranquiste se considère comme "l'héritier" de la lutte des "guerrilleros", et mène des actions d'attaque de banques, de prise d'otages, d'aide à la publication de documents clandestins en Espagne, etc. Leurs formes, généralement considérées comme du "terrorisme", les témoignages les situent dans le contexte sanglant de la fin du franquisme, et dans toute leur dimension politique. L'un des martyrs de ces mouvances n'est autre que le jeune anarchiste catalan Puig Antich, garroté (exécuté par strangulation) le 2 mars 1974, à la prison "Modelo" de Barcelone, et devenu un symbole.

Le documentaire donne ainsi la parole à des acteurs de l'anti-franquisme, minoritaires, et dont les formes de lutte furent condamnées par la majorité des antifranquistes. Pour le réalisateur, il ne s'agit pas de les "réhabiliter", mais de donner à entendre leur point de vue de combattants.

 

Après le documentaire sur "les Molex", José Alcala continue à creuser son sillon de documentariste rigoureux, sobre, et qui a le courage d'arpenter des sentiers peu fréquentés.

 

Jean Ortiz

Marielle Nicolas

Maîtres de Conférences