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28/05/2011

Les enfants volés par les franquistes

(article paru dans la presse en mai 2011)

 

Les enfants volés du franquisme

 

L'un des plus terribles crimes contre l'humanité du franquisme, enfoui depuis 70 ans et dont on commence à peine à mesurer l'ampleur, est le vol de milliers d'enfants républicains à leurs mères emprisonnées, "disparues" ou exilées. Au moins 30 000 selon l'ordonnance d'octobre 2008 du juge Garzon. Jusqu'à présent, lorsque l'on traitait de ce sujet, c'était en référence à l'Argentine et aux "Folles de la Place de Mai": 800 enfants volés par les militaires, dont une centaine retrouvés par la mise en place d'une "Banque nationale de données génétiques" et d'une Commission de Recherche. En Espagne, rien de cela. L'Etat espagnol ne réagit pas et échappe à ses devoirs pourtant consignés dans nombre de textes internationaux en matière de Droits de l'Homme. Amnesty International parle d'une "macabre exception espagnole". La loi "d'amnistie" de 1977 rend encore le franquisme intouchable !!

Des centaines de "disparus en vie" errent donc dans les rues des villes espagnoles. On sait aujourd'hui que le vol d'enfants républicains à leurs mères et familles "rouges", fut une politique et un crime d'Etat, planifié et théorisé par le régime; une forme de répression radicale, d'épuration politique. L'éminence grise de cette monstruosité fut le psychiatre eugéniste et fasciste Vallejo Nágera. Par lettre du 19 août 1938, Franco l'autorisa à créer un "cabinet de recherches psychologiques" pour "investiguer les racines biopsychiques du marxisme", conçu comme une "pathologie mentale". Les marxistes seraient porteurs d'un "archétype du mal" (Journal médical espagnol du 8 octobre 1938). Dans son ouvrage "La folie et la guerre", il affirme qu'il manque aux femmes "les inhibitions intelligentes et logiques". Vallejo Nágera considère qu'il existe une "race espagnole supérieure" et des races inférieures; les républicains, les "rouges"... Il faut donc "purifier"" la race, éviter contagion et dégénérescence en enlevant aux familles possédées par le démon, le "gène du marxisme", leurs enfants, afin de les rééduquer en les confiant à des familles bienpensantes. Ces enfants, dans une première étape, transitent par les institutions et orphelinats religieux, ainsi que par "el Auxilio" social de la Phalange. L'Eglise a donc pris dans ce crime une place prépondérante. En 1943, 12042 enfants étaient placés sous cette double tutelle. Que sont-ils devenus? En 1940, le régime dessaisit leurs familles de l'autorité parentale et la loi du 4 décembre 1941 autorise à changer le nom et le prénom de ces enfants. La voie est ouverte à des milliers d'adoptions illégales, au vol organisé.

Plus encore, la Phalange chargea son "Service extérieur" (paramilitaire) d'aller récupérer, "par tous les moyens" (rapport de 1949)  les milliers d'enfants que les "Rouges" "séquestraient"  à l'étranger, notamment en France, dans les camps, les "colonies" du gouvernement républicain en exil . Lorsqu'ils revenaient par trains entiers, des photos les montrent faisant le salut fasciste sur le quai des gares. Quelles furent les complicités des autorités françaises, du gouvernement Daladier? Puis de Pétain?

On vient d'apprendre que cette politique de répression revancharde continua même au-delà des années 1950, pour des raisons devenues désormais plus mercantiles qu'idéologiques. Les réseaux d'adoption illégale (on faisait croire aux mères, célibataires et pauvres, que leur bébé était mort) constitués par des religieuses, des médecins, des avocats... ont vendu et exporté des bébés, y compris à l'étranger, jusqu'en 1987. Ces vols eurent lieu dans des cliniques, des crèches, la plupart liées à des organisations religieuses.

L'association nationale des victimes des adoptions irrégulières a recensé en quelques semaines plus de 1 000 cas. Les doutes sur sa propre identité ne sont-ils pas les pires?

 

Jean Ortiz, universitaire.

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