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25/11/2011

La plus grande partie de la gauche tourne le dos à l'Amérique latine

 

La plus grande partie de la gauche française tourne le dos à l'Amérique latine

 

Selon la plupart des spécialistes, l'Amérique latine est le continent qui résiste le mieux à la crise. Ils expliquent cette situation par des politiques d'Etat fortes, le "retour de l'Etat", la maîtrise financière, la redistribution, le recul de la pauvreté, la coopération continentale (Alba, Unasur et processus de mise en place de la Celac (Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes... sans les Etats-Unis), etc.

La gauche devrait donc au minimum y jeter un coup d’œil... Ce n'est malheureusement pas le cas. Et pourtant... Dans de nombreux pays des processus démocratiques, s'appuyant sur des expériences de participation populaire inédites, une articulation avec des mouvements sociaux, de nouvelles Constitutions garantissant la souveraineté nationale, protégeant les richesses, intégrant même la pluri-nationalité, la multi-culturalité, les droits des communautés autochtones... Plusieurs de ces processus, même s'il n'ont pas rompu avec le capitalisme, ont réintroduit "le socialisme" dit "du 21ième siècle" dans le débat politique...

Ces chantiers devraient servir d'expériences à prendre en compte, à évaluer. Or, il n'en est rien. Plus euro-centrée que jamais, la gauche française, à l'exception des communistes, du P.G., du NPA et de quelques autres petites formations, a les yeux rivés sur Berlin et Washington. Et même à gauche-gauche, si l'on sympathise, on reste encore comme tétanisés, échaudés par la faillite du "socialisme réel"... et l'internationalisme n'est plus ce qu'il était. En ne voulant pas retomber dans la vieille démarche du "modèle", on se prive du bouillonnement de ces laboratoires latino-américains.

Le matraquage contre Cuba, Chavez, Correa, Evo Morales, est tel que l'on hésite à affirmer haut et fort une solidarité claire et efficace. Or, solidarité ne signifie en rien aveuglement, inconditionnalité. D'ailleurs, pour être pleinement efficace, la solidarité doit être lucide, exigeante, accompagnée de critiques si nécessaire...

Pourquoi donc abandonner Chavez et la "révolution bolivarienne" sous le feu permanent des grands médias mondiaux et laisser reprendre en cœur les mêmes clichés, et colporter les mêmes mensonges, alors qu'une partie de l'avenir de ces processus se jouera lors de l'élection présidentielle vénézuélienne, à l’automne 2012? Va-t-on permettre sans réagir à Washington et aux maîtres du monde de parvenir à leur objectif premier: reprendre la main au Venezuela, liquider un processus courageux et qui progresse malgré les difficultés, quels que soient le prix à payer et les moyens à utiliser?

Autant je comprends que ces processus démocratiques, parfois d'inspiration anti néolibérale, le plus souvent "réformistes" mais bien ancrés à gauche ou à un centre-gauche plus progressiste que le positionnement des partis socialistes européens, donnent de l'urticaire à l'immense majorité des dirigeants socialistes qui ont capitulé devant le FMI, la Banque centrale européenne, les "marchés"... et trahissent leurs peuples, autant je suis désolé de l'intérêt limité et de la bancale solidarité de la gauche "de gauche". Qu'avons à perdre à être plus offensifs? Je rencontre partout lors de mes conférences et débats des militants en attente de sens, de valeurs, d'idéal, d'utopie concrète... sans aucune nostalgie, mais en souffrance.

Si les dirigeants socialistes européens devraient rougir de honte face à leur politique de capitulation, d'écrasement social des peuples, la plupart des dirigeants latino-américains peuvent garder la tête haute, même les plus timorés d'entre eux. Elsa Triolet disait: "Une barricade n'a que deux côtés". En ce qui me concerne, j'ai choisi, il y a longtemps, sans dogmatisme ni opportunisme: l'internationalisme, camarades. Ne lâchons rien. Vivent les marins du Winnipeg! "Il est des portes sur la mer que l'on ouvre avec des mots" et des actes. (Rafael Alberti)

 

Jean Ortiz,

Universitaire, spécialiste de l'Amérique latine.

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