28/07/2012
Prenons de la hauteur
Prenons de la hauteur.
Nous sommes dans l'Etat de Mérida, à Mucubají (2500 m d'altitude). La montée a été somptueuse, des paysages à couper le souffle, des zones de "páramo" (plaines d'altitude), et jusqu'en haut, des villages qui ne dégagent nullement une impression de misère. Il fait 10 degrés au milieu des brumes...
A Collado del cóndor, sur un coin de table, nous en profitons pour faire un premier point sur les paradoxes et les contradictions de cette "révolution bolivarienne". L'ami Hector se fait provocateur : "Sais-tu quel est le fromage ("queso" en espagnol) national au Venezuela? Le "¿Qué es eso? Revolución", jeu de mots pour exprimer des contradictions de ce que les chavistes considèrent comme une "transition vers le socialisme". Une transition.
L'économie reste majoritairement capitaliste, mais le cap est fixé vers la sortie. C'est ce que nous a confirmé un syndicaliste de la "Compagnie de Ciments Táchira" (ex Ciments Lafarge expropriés) sur les hauteurs de San Cristótal, à Palo Grande, 1 400m d'altitude.
Situation un peu schizophrénique, mais le président Chávez n'entend pas brûler les étapes. Si le discours reste très radical, très anti-bougeoisie, la réalité apparaît en retrait par rapport à la proclamation. Dans certaines régions conservatrices, plusieurs dizaines de dirigeants paysans ont été assassinés par les hommes de main de grands propriétaires. Ces derniers proposent parfois le prix fort à des paysans qui viennent de recevoir un lopin de terre, afin de le leur racheter.
Malgré l'objectif réitéré de "sécurité alimentaire", plus de 70% des aliments sont importés. Ce qui fait dire à l'opposition que les ports sont les plus grandes propriétés du pays.
On ne résoud pas en quelques années les déformations structurelles de l'économie d'un pays... La révolution bolivarienne se fait démocratiquement, par la voie des urnes, dans le pluralisme, ce qui suppose de convaincre, et non d'imposer. La révolution manque encore de cadres politiques et techniques dûment formés...
L'originalité du processus venezuelien de transformation sociale repose sur un impératif moral, démocratique, adapté au contexte: mener la lutte des classes tout en recherchant l'adhésion, la conviction les plus larges, et les compromis nécessaires avec le secteur privé, présenté par Chávez comme un atout, et non comme un ennemi.
Face à l'agressivité de Washington, aux provocations, aux menaces, relayées par une étrange coalition d'opposition: droite et extrême droite, "sociaux-démocrates Adecos (parti Action Démocratique)", démocrates chrétiens du COPEI, quelques transfuges de l'extrême gauche, grand patronat local ("Fedecámaras", équivalent du Medef), le régime doit veiller à maintenir une certaine cohésion sociale et nationale. D'où le discours patriotique permanent du président, ses références au Libertador et à la nécessité de conquérir une vraie et définitive indépendance, de "faire nation" ensemble.
Sur le bord de la route, un jeune nous propose un chiot "Mucuchíe", semblable à un de nos Saint-Bernard... Les "dulces de leche" (confiseries à base de lait condensé) sont savoureuses mais n'aident pas à maigrir.
Jean Ortiz
15:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
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