19/05/2013
"El Pais", un journal de référence?
"El Pais", le journal espagnol de référence ?
Le quotidien espagnol "El Pais", si furieusement antichaviste, est devenu depuis longtemps un journal de révérence devant les marchés ; les "libéraux", l'Europe du "parné" ("fric" en argot espagnol), la concurrence, le libre-échange... Proche historiquement du PSOE, si proche qu'il en épouse les aigreurs d'estomac contre "les populistes", "les dictateurs" à la Chavez, à la Evo Morales", mais accorde des circonstances atténuantes aux "autorités" du Honduras, de Colombie, du Paraguay...
Entré en Bourse et "contrôlé" à 70% par des fonds d'investissements anglo-saxons (Liberty Acquisition Holding) , donc "libre", sans fil à la patte, "El Pais" avait, en novembre 2012, opéré une purge de 129 emplois, au grand dam de l'ensemble du personnel. La "normalisation" continue.
"El Pais" tolérait depuis trente ans en son sein une "rebelle"... mais surdouée: la chroniqueuse de la rubrique "Opinion" Maruja Torres, journaliste et romancière, prix Nadal et Planeta de littérature. Rien que çà...Elle vient d'être poussée vers la sortie.
Madame n'a pas l'échine souple et s'est positionnée à plusieurs reprises contre "les dérives" du journal et de ses "propriétaires", la famille socialiste Cebrian. Juan Luis Cebrian est le tout puissant "conseiller délégué" du quotidien fleuron de la multinationale "socialiste" "Prisa" (également actionnaire du Monde), celle là-même qui possédait en Bolivie des radios, des journaux "libres" (La Razon, El Nuevo diario, Extra), qui monopolisait à La Paz et au Venezuela (par le biais de ses éditions "Santillana") le marché des manuels scolaires, etc., etc., et qui fut expropriée par les tyranneaux Hugo et Evo . (que l'on se rassure: "Prisa" possède encore plusieurs médias dans d'autres pays du continent).
"El Pais" vola au secours des intérêts de classe de son groupe éditorial "Prisa" et défendit (et défend toujours) "la liberté du marché", donc: de la presse... Nous savons depuis longtemps que le pouvoir économique contrôle le pouvoir médiatique, et le feuilleton "El Pais" conforte cette désormais lapalissade. Au nom de la liberté de la presse, qui s'arrête là où commence celle des multinationales, les "nouveaux et anciens chiens de garde" bétonnent en réalité la liberté d'entreprise, même si le prix à payer est celui du démantèlement progressif d'un journal de référence, né de l'antifranquisme et de la "transition".
La "croisade idéologique" pro-système de grands médias, devenus ici et là des armes de déstabilisation politique, se retourne au final contre eux. En août 2009, "El Pais" partit en guerre contre une prétendue "loi bâillon" des médias au Venezuela. Il s'agissait d'un bobard, d'un mensonge, comme la supposée photo de "Chavez" en soins intensifs, publiée à la une du quotidien (un "scoop" sordide dont il était fier), le 24 janvier 2013. "Le secret de la maladie de Chavez" était un faux, du bidouillage. Où sont passées l'éthique, la déontologie, les bases du métier? La haine de classe et la marchandisation de l'info conduisent au pire...
Maruja Torres avait affirmé à plusieurs reprises que la vocation d'un journal "n'était pas d'enrichir quelques-uns" ni de se transformer en "petite sardine " de Wall Street. Vilain petit canard!
Dans sa dernière chronique elle s'attaquait aux "dirigeants des grandes entreprises et des grandes banques qui blindent leurs salaires et leurs retraites" et "au canaille qui, soutenu par ses pairs à la tête du capitalisme cannibale, a perdu tout scrupule". Bien vu ! Mais c'était trop.
Dans l'Espagne du PP-PSOE, saignée par "la troïka", une telle lucidité mérite autodafé.
Jean Ortiz
21:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
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