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17/03/2013

Fumée blanche et noirs présages

Fumée blanche et noirs présages


L'élection d'un pape est toujours politique. Le Vatican et la hiérarchie de l'Eglise, mis à part quelques périodes comme celle du "Concile Vatican II" et du "bon pape" Jean 23, ont rarement penché du côté des peuples.

L'élection de "François Premier" l'Argentin, n'est donc ni "un tournant", ni une révolution", ni "un aggiornamiento", ni "un virage vers la modernité"... comme s'esbaudissent et ânonnent la quasi totalité des commentateurs, des politiques, et des médias.

Cette élection me rappelle la terrible humiliation dont fut victime en 1983 le père Ernesto Cardenal, prêtre et ministre de la culture du gouvernement sandiniste. Jean Paul II avait exigé que les quatre prêtres qui participaient au gouvernement de libération, après le renversement de la dictature de Somoza, démissionnent. De passage à Managua, il avait refusé de serrer la main d'Ernesto et l'avait menacé du doigt sur le tarmac, l'obligeant à s'agenouiller. Le père Cardenal fut suspendu, et interdit de ministère, coupable d'engagement aux côtés des humbles et de leur lutte.
Dans ces années 1980, au même moment où au Salvador, au Guatemala ..., des prêtres et des religieuses  inspirés par la théologie de la libération étaient assassinés (dont 7 Jésuites de l'université centraméricaine de San Salvador), de même que l'archevêque Monseigneur Romero, le Vatican mena une offensive impitoyable contre les tenants de la "théologie de la libération", n'hésitant pas à utiliser y compris la répression contre les partisans de cette "Eglise du peuple". On connaît le résultat.

L'Eglise officielle s'éloigna des pauvres, perdit du terrain en Amérique latine (le continent le plus catholique), ouvrant la porte à toute sorte de sectes aliénant les individus, et servant les intérêts des classes dominantes et des partis les plus conservateurs.

 

Aujourd'hui, l'Amérique latine vit une véritable émancipation, des mouvements de souveraineté et d'indépendance sans précédents, des "révolutions" qui engagent la construction de sociétés nouvelles. Voilà ce qui préoccupe réellement le Vatican. L'élection du jésuite argentin, Jorge Mario Bergoglio, s'inscrit dans la continuité des options conservatrices du Vatican, même si l'homme est présenté comme "Monsieur Toutlemonde".

 

Plus grave encore, le nouveau pape, censeur implacable de l'avortement et du mariage homosexuel, a collaboré avec la dictature militaire argentine (1976-1983). Il était alors "Supérieur provincial de l'ordre des Jésuites". On lui reproche d'avoir "lâché" deux prêtres jésuites qui furent par la suite séquestrés et torturés. Ses relations avec le pouvoir étaient si étroites qu'en 2010, on l'obligea à témoigner dans les procès pour crimes contre l'humanité commis à l'Ecole Supérieure Mécanique de la Marine (ESMA), centre de l'horreur. Pendant cinq heures, il fut interrogé sur l'affaire de ces deux prêtres jésuites qui travaillaient dans un bidonville ("villa miseria") malgré son opposition. Selon l'accusation, le nouveau pape "mentit". Monseigneur Bergoglio fut également appelé comme témoin dans une affaire d'enfant volé (Ana de la Cuadra) par les militaires et accusé de complicité par les "Grands-mères de la Place de Mai".

 

Pas un mot non plus de celui qui depuis 1998 était archevêque de Buenos Aires sur les 30 000 disparus, pas une autocritique sur le silence de l'Eglise durant toutes ces années noires. Le nouveau pape, était, et demeure, un adversaire résolu des époux Kirchner, ceux-là mêmes qui ont annulé les lois d'impunité ("loi de point final"...), transformé l'ESMA en musée de la mémoire, et traduit devant les tribunaux nombre de tortionnaires, de chefs militaires, aujourd'hui emprisonnés.

 

L'élection de ce pape, François Ier, me paraît un mauvais signe. Elle s'inscrit à contre-courant des nouvelles réalités latino-américaines et est destinée à les contrecarrer, sous couvert de proximité avec les pauvres, de simplicité. La tâche lui sera plus difficile qu'à Jean Paul II.


Jean Ortiz, universitaire (PAU)

11/03/2013

Panique au Palais Royal

MONARCHIE ESPAGNOLE: SAUVER LES MEUBLES 

En quelques mois, l'image de la monarchie espagnole et du roi Juan
Carlos se sont détériorées, au point qu'il y a panique à bord. Beaucoup
d'Espagnols, plus Juancarlistes que monarchistes, alors qu'ils serrent
ceinture,  découvrent les frasques du roi et de sa compagne allemande,
 la princesse Corinna Sayn Wittgenstein, ambitieuse et intrigante.
 Pendant ce temps, la reine vivrait discrètement à Londres...
Abandon de poste!

Le cœur a des raisons plus fortes que la fonction. Depuis quelques mois,
la couronne défraie la chronique à la rubrique judiciaire. L'ex international
de hand-ball et gendre bien encombrant de sa Majesté, Iñaki Urdangarin,
s'enfonce de jour en jour. Il vient même de perdre ses palmes. En effet,
le conseil municipal de Las Palmas vient de demander qu'il cesse d'user
et d'abuser du titre -usurpé- de duc de Palme. Ce titre fut concédé à son
épouse et non à lui, lorsqu'elle maria le sieur. L'ex associé du gendre à
 "l'Institut Noos", vache à lait de Monsieur Iñaki, vient de répéter devant
la justice que l'infante Cristina a joué un rôle actif dans "l'affaire Noos"
 aux côtés de son mari (détournement de fonds publics...) et que le roi
était au parfum, tellement au parfum que des réunions eurent lieu au
palais Royal. Bref, "huele a mierda" (ça sent mauvais), et la famille royale
 est sur le pont...
Il faut sauver la monarchie.

La riposte tient en deux points:
1. Opération élagage et nettoyage, voire amputation, des branches
pourries. Il faut éloigner du palais, de "la web oficial"... etc.,
Monsieur gendre et l'infante Cristina. Le présumé ripoux est désormais
un "demandeur d'emploi", tellement indigent que depuis six mois il ne
peut plus rembourser les traites de son petit palais barcelonais du
quartier Pedralbes.
2. Un scénario d'abdication du roi en faveur de son fils Felipe serait en
marche. Sa majesté a des difficultés à marcher, se déhanche de plus en
plus, et vient d'être opérée d'une hernie discale. Juan Carlos devrait être
convalescent et éloigné de ses fonctions durant six mois... Une aubaine
pour profiter du créneau, de la vacance. Laetitia Ortiz, qui n'aime guère
les infantes, s'impatiente, et Felipe s'efforce de "faire peuple". Jadis, le roi
se fit placer une prothèse à la hanche gauche un 14 avril, jour
anniversaire de la République. Prémonition? En fait, de plus en plus
d'Espagnols lient la monarchie et la crise du système. La monarchie,
héritière du franquisme, protège comme lui le capitalisme.

 Ce sont les luttes sociales de grande ampleur qui aujourd'hui secouent
le pays qui mettent en cause, chaque fois davantage, la couronne en tant
 que partie intégrante d'un système à bout de souffle.
D'où l'opération cosmétique.

 Jean Ortiz

"Rouges vies": critique de "La Nouvelle République des Pyrénées"

 

"Rouges vies": critique de "La Nouvelle République des Pyrénées"

Tarbes 09 03 2013


                   Rouge(s)

 

Pierre Challier

 

Or donc... Hugo Chavez est mort. Et je lis Jean Ortiz, cette semaine. Rouges Vies Mémoire(s) (1), ça s'appelle. Un bouquin à 1'image de Jean Ortiz. Parfois foutraque, souvent lyrique, la tignasse en bataille, les lunettes de traviole, avançant à travers la vie avec le corps dégingandé et encombrant de ceux qui se cognent toujours partout, tout le temps ... parce que trop grands. Trop débordants de générosité spontanée, aussi. Et donc mal assortis de naissance aux époques calculatrices et étriquées. Jean Ortiz ... à la fois Albatros du Tarn et Juanito de La Mancha, petit-fils des faméliques, des crève-la-faim de La Gineta, là-bas ...

« Je ne voulais plus vivre esclave. La République malgré beaucoup de frustrations avait changé notre vie et je partais défendre nos conquêtes sociales » résume Enrique, le père de Jean. Militant communiste et soldat républicain qui lui, pour échapper à la mort, dut s'exiler à Labastide-Rouairoux, dans le Tarn, entre Montagne Noire et Monts de Lacaune. Enrique Ortiz ... de ces Espagnols qui furent les premiers résistants armés des maquis, en France.

Fils de rouge, fils de guérillero grandi entre PCE et PCF, plus jeune candidat aux législatives en son temps, professeur, journaliste à 1'Humanité ... Jean Ortiz raconte pêle-mêle le flamenco écouté en cachette et comment les fils de déracinés doivent apprendre à s'ac­coucher mal et seuls, coincés entre deux mères patries et l'encom­brante image héroïque du père; raconte les luttes ouvrières de sa jeunesse, lorsque les usines textiles commencèrent à fermer. Raconte la solidarité des soupes populaires. Raconte Enrique et son martinet parce que fils d'immigré, il fallait être premier à l'école. Pas deuxième. Premier. Raconte le retour à La Gineta à la mort de Franco du jeune professeur Jean Ortiz ... « Mille racines émergèrent pour me faire tronc »… et le silence de ces damnés de la terre que le franquisme avait renfermé dans la pauvreté et l'analphabétisme héréditaire, la peur intériorisée, l'arrogance des riches encore plus riches après la spoliation des biens des vaincus. Victimes condamnées à l’amnésie à perpétuité quand les bourreaux s'am­nistiaient des 130 000 cadavres gisant dans les fosses communes, au nom de la démocratie nouvelle.

 

Hugo Chavez est mort. Et je lis donc Jean Ortiz, cette semaine... Qui a vécu à La Havane, reste guévariste; aime ce Venezuela où il a régulièrement voyagé, ce pays sur lequel il a beaucoup écrit et qui pleure aujourd’hui la mort du Comandante ... tandis que les grands propriétaires et 1'internationale de leurs chroniqueurs attitrés méprisent ostensiblement ce « petit peuple » en deuil de son grand homme chamarré, lequel sera embaumé « comme Lénine » ne manquent-ils pas de souligner.

 

De fait... si Chavez avait préféré consacrer l'argent du pétrole vé­nézuélien a acheter le PSG, une coupe du monde de foot et des armes; s'il avait financé les salafistes aurait-il eu sans doute droit à toute leur considération. Seulement voilà, Chavez, malgré ses amis infréquentables d'Iran et de Corée du Nord, malgré la corruption et la violence gangrenant son pays ... Chavez, démocratiquement élu et réélu, a surtout préféré nationaliser ses banques pourries et investir la manne pétrolière dans des instituteurs et des médecins pour sortir les pauvres de la misère où les beaux quartiers blancs de Caracas les tenaient prisonniers depuis des générations. Le seul vrai crime qu'ils lui reprochent en fait, au métis, les moralistes. Parce qu'un pauvre éduqué, ça peut donner un Ortiz. Une voix pour ceux qui n'en ont pas. Un militant debout plutôt qu'un consommateur vautré. Insupportables, les Chavez, les Ortiz lorsqu'ils rappellent alors aux pauvres que la justice, ce n’est pas lorsque seuls les riches écrivent la loi au nom du bon goût et de l'entre-soi.


(1) Librairie des territoires, Sarrant, Gers (05 62 65 09 51)