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11/03/2013

"Rouges vies": critique de "La Nouvelle République des Pyrénées"

 

"Rouges vies": critique de "La Nouvelle République des Pyrénées"

Tarbes 09 03 2013


                   Rouge(s)

 

Pierre Challier

 

Or donc... Hugo Chavez est mort. Et je lis Jean Ortiz, cette semaine. Rouges Vies Mémoire(s) (1), ça s'appelle. Un bouquin à 1'image de Jean Ortiz. Parfois foutraque, souvent lyrique, la tignasse en bataille, les lunettes de traviole, avançant à travers la vie avec le corps dégingandé et encombrant de ceux qui se cognent toujours partout, tout le temps ... parce que trop grands. Trop débordants de générosité spontanée, aussi. Et donc mal assortis de naissance aux époques calculatrices et étriquées. Jean Ortiz ... à la fois Albatros du Tarn et Juanito de La Mancha, petit-fils des faméliques, des crève-la-faim de La Gineta, là-bas ...

« Je ne voulais plus vivre esclave. La République malgré beaucoup de frustrations avait changé notre vie et je partais défendre nos conquêtes sociales » résume Enrique, le père de Jean. Militant communiste et soldat républicain qui lui, pour échapper à la mort, dut s'exiler à Labastide-Rouairoux, dans le Tarn, entre Montagne Noire et Monts de Lacaune. Enrique Ortiz ... de ces Espagnols qui furent les premiers résistants armés des maquis, en France.

Fils de rouge, fils de guérillero grandi entre PCE et PCF, plus jeune candidat aux législatives en son temps, professeur, journaliste à 1'Humanité ... Jean Ortiz raconte pêle-mêle le flamenco écouté en cachette et comment les fils de déracinés doivent apprendre à s'ac­coucher mal et seuls, coincés entre deux mères patries et l'encom­brante image héroïque du père; raconte les luttes ouvrières de sa jeunesse, lorsque les usines textiles commencèrent à fermer. Raconte la solidarité des soupes populaires. Raconte Enrique et son martinet parce que fils d'immigré, il fallait être premier à l'école. Pas deuxième. Premier. Raconte le retour à La Gineta à la mort de Franco du jeune professeur Jean Ortiz ... « Mille racines émergèrent pour me faire tronc »… et le silence de ces damnés de la terre que le franquisme avait renfermé dans la pauvreté et l'analphabétisme héréditaire, la peur intériorisée, l'arrogance des riches encore plus riches après la spoliation des biens des vaincus. Victimes condamnées à l’amnésie à perpétuité quand les bourreaux s'am­nistiaient des 130 000 cadavres gisant dans les fosses communes, au nom de la démocratie nouvelle.

 

Hugo Chavez est mort. Et je lis donc Jean Ortiz, cette semaine... Qui a vécu à La Havane, reste guévariste; aime ce Venezuela où il a régulièrement voyagé, ce pays sur lequel il a beaucoup écrit et qui pleure aujourd’hui la mort du Comandante ... tandis que les grands propriétaires et 1'internationale de leurs chroniqueurs attitrés méprisent ostensiblement ce « petit peuple » en deuil de son grand homme chamarré, lequel sera embaumé « comme Lénine » ne manquent-ils pas de souligner.

 

De fait... si Chavez avait préféré consacrer l'argent du pétrole vé­nézuélien a acheter le PSG, une coupe du monde de foot et des armes; s'il avait financé les salafistes aurait-il eu sans doute droit à toute leur considération. Seulement voilà, Chavez, malgré ses amis infréquentables d'Iran et de Corée du Nord, malgré la corruption et la violence gangrenant son pays ... Chavez, démocratiquement élu et réélu, a surtout préféré nationaliser ses banques pourries et investir la manne pétrolière dans des instituteurs et des médecins pour sortir les pauvres de la misère où les beaux quartiers blancs de Caracas les tenaient prisonniers depuis des générations. Le seul vrai crime qu'ils lui reprochent en fait, au métis, les moralistes. Parce qu'un pauvre éduqué, ça peut donner un Ortiz. Une voix pour ceux qui n'en ont pas. Un militant debout plutôt qu'un consommateur vautré. Insupportables, les Chavez, les Ortiz lorsqu'ils rappellent alors aux pauvres que la justice, ce n’est pas lorsque seuls les riches écrivent la loi au nom du bon goût et de l'entre-soi.


(1) Librairie des territoires, Sarrant, Gers (05 62 65 09 51)

10/03/2013

La mort du "dictateur"

Le "dictateur" est mort. Il ne traitera plus les gouvernants nord-américains de tous les noms d'oiseaux, qu'ils ne méritent pas... Les bourgeoisies, les vraies droites et les "fausses gauches", sont enfin débarrassées du "mico", du singe, oui oui, le repenti Adler, les dames des beaux quartiers, les gentlemans du FMI... appelaient ainsi ce "bougnoul", ce métis d'Indien et de Noir, hier enfant des rues, qui prit par la violence et la fraude électorale la tête d'une "révolution pétrolière". Deux siècles de réserves d'hydrocarbures! Nationalisées! Dégoûtant! Que chacun reste à sa place et le pétrole aux mains de ceux qui créent les richesses et les emplois: les  multinationales. Total respect!

Le "dictateur" est mort. Il ne se livrera plus à des postures "simiesques", de mauvais goût: chanter et danser sur un yacht de milliardaire ami, faire peuple, parler des heures durant avec la populasse... Il n'implorera plus Dieu et Marx. Dieu doit rester le "Dieu des riches" et "manger à la table des patrons".

Le "dictateur" est mort. Voyez ces millions de petites gens que l'on oblige à se vêtir de rouge et à pleurer de douleur simulée dans les rues, villes et villages du Venezuela et de tout un continent enfin libéré du "fantôme"de la révolution, de l'épouvantail "socialiste". Les médias, la classe politique (des fachos à tout un secteur de la social-démocratie), eux, réalistes et pragmatiques, démocrates, ils savent: ils ont compris.  C'est à qui gagnera le concours de crachats. Voilà le Venezuela enfin libre. "Libre" crie Fedecamaras (l'équivalent du Medef). Vite, vite, qu'il redevienne une  sorte de "pétromonarchie": la "Venezuela Saoudite".

Le "dictateur" est mort. Regardez tous ces présidents et présidentes d'Amérique du Sud venir fêter la libération à Caracas. Lorsque meurt un dictateur, les droits de l'homme et la démocratie exigent que l'on vomisse sur la dépouille. Merci à tous ces journalistes, ces élus, ces leaders d'opinion, ces intellectuels paillettes, ces politiques qui veillent sur les libertés du marché, qui mènent ou soutiennent de bonnes guerres, des "guerres de gauche". Faudrait  quand même pas exagérer!! La liberté s'arrête là où commence celle du marché, des hydrocarbures, de l'or, des diamants, de l'uranium...

Voyez les mines réjouies, soulagées, de Pierre Laurent , de Mélenchon, des "descamisados" argentins, chiliens, péruviens, brésiliens, des militants du Front de gauche, des "planqués" des "ranchitos" de Caracas, eux qui vivent paresseusement des programmes sociaux d'une révolution qui gaspille le pétrole...Elle en donne même aux "Nègres" de Haïti!
 Assez de populisme, de promesses non tenues... Laissons les riches en paix! Aidons-les à nous sortir de la crise, allégeons leur terrible fardeau.
A votre bon coeur pour le Medef!

Le "dictateur" est mort mais il chante encore. Et ils ont peur, peur, peur...du bilan, de la contagion et même du mythe. Ils savent qu'il nous a aidés et aidera à chanter, qu'il a semé des millions de chavistes, que les temps anciens où sociaux démocrates (A.D) et chrétiens démocrates (COPEI) se partageaient le pactole, tiraient sur les "classes dangereuses", sont révolus. Le "dictateur" est mort: la révolution continue. Là-bas, ici, ce matin, au labo, à l'atelier...
"Palante, palante (en avant!), con la revolucion", "la revolucion es nuestra salvacion". Ceux qui se vautrent dans l'abject ne font que mener la lutte des classes. C'est leur façon d'honorer HUGO CHAVEZ.
 A nous les larmes et l'exemple.
 
Jean Ortiz

 

Mort de Chavez

Un phare s'est éteint.

Un phare s'est éteint. Comme Bolivar lors de son serment de Rome, à 20 ans, dès le départ, Chavez s'est engagé à consacrer sa vie à améliorer le sort de ses concitoyens. Il se réclamait de lui, et était l'une des consciences de l'Amérique des peuples. Je me souviens que, lors de sa première visite à Cuba, en décembre 1994, il avait déclaré à l'université : "un jour, nous espérons venir à Cuba les bras ouverts, et pour construire ensemble un projet révolutionnaire latino-américain". Il annonçait une "ère d'éveils". Soldat rebelle, il avait créé le Mouvement bolivarien avec une vision à long terme pour rompre avec le bipartisme répressif et corrompu, inféodé aux Etats-Unis, de la IV République. Chavez avait une obsession : que le Venezuela soit désormais une vraie patrie, une nation souveraine, indépendante.
Depuis sa première élection en 1998, il s'est "radicalisé", et a, par contrecoup, contribué à politiser profondément un peuple combattif, avançant un projet anticapitaliste, sans doute le plus radical au monde depuis la chute du Mur de Berlin. Le chavisme ne relève pas du culte de la personnalité, mais bien d'une création collective permanente, pour sortir du néolibéralisme par la voie électorale, démocratique, pacifique, et aller vers un socialisme endogène, participatif, un pouvoir populaire: des "communes socialistes", des Conseils communaux...
Chavez était le fédérateur, le moteur, le centre de gravité d'un mouvement populaire pluriel, traversé de différents courants progressistes. Le peuple l'aimait parce qu'il avait changé la vie de millions de parias, parce qu'il avait du panache et du courage. Lors de la rébellion militaire de 1992, dont il fut l'instigateur, il alla au bout de la démarche. Emprisonné, il mit au point une stratégie de rassemblement qui cette fois-ci réussirait. C'est le peuple des "ranchitos" (bidonvilles) qui descendit sur Caracas pour faire échec au coup d'Etat de 2002, et sauver son président.
Chavez a fait du Venezuela un pays central pour toutes les gauches latino-américaines, et un exemple d'alternatives possibles pour les gauches du monde entier. Il eut l'audace de réhabiliter dès 2004-2005 le mot et le concept de "socialisme". Un lien émotionnel, affectif, très fort, unissait Hugo Chavez et les Vénézuéliens "d'en bas". Il était comme eux. Le petit vendeur des rues, devenu président, tenait ses promesses, lui, le "zambo" de Sabaneta, le métis de Noir et d'Indien, qui aimait chanter des chansons de son "llano" (plaine). J'ai pu mesurer dans les beaux quartiers, la haine de classe et de race que lui vouait la bourgeoisie. S'il se réclamait de Bolivar, ce n'était pas par opportunisme; il donnait un sens nouveau au message bolivarien, à la doctrine politique du Libertador.
On l'accusait intentionnellement de "populisme", ce concept crapuleux et attrape-tout destiné à discréditer la révolution bolivarienne. Une analyse sérieuse du bilan de Chavez, des rapports sociaux, de sa pratique, des changements concrets, contredit cette allégation malveillante. Chavez était l'homme de l'intégration continentale, son fer de lance. Pour la première fois depuis les Indépendances, l'Amérique du Sud vit une véritable communauté de valeurs, dans un monde à présent multipolaire. Chavez en a été le principal artisan.
De 1999 à 2008, il multiplia par 3 les dépenses publiques par habitants, fit reculer de 50% la pauvreté, instaura la santé et l'éducation gratuites, créa l'ALBA contre les accords de libre-échange, contribua à la naissance de la CELAC, sans les Etats-Unis, isolés désormais à l'échelle continentale. Voilà pourquoi cet homme d'une grande stature, d'une profonde humanité, fut l'un des plus haïs, diabolisés par l'ensemble des médias internationaux, par toutes les bourgeoisies, et les fausses gauches.
Chavez croyait en Marx et en Jésus, authentiquement. Grâce à lui, les Vénézuéliens ont bénéficié de nombreuses "missions sociales". L'une d'elles consiste à opérer gratuitement de la cataracte, elle s'appelle "Mission Miracle". Le miracle de Chavez, c'est d'être devenu un Chavez collectif, un "Chavez-peuple".
Il y a des morts qui ne meurent jamais.

Jean Ortiz, universitaire. Pau.