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14/04/2014

14 avril: commémorer, mais surtout partir à la conquête de la République

ESPAGNE: 14 AVRIL

COMMEMORER... MAIS SURTOUT PARTIR A LA CONQUETE DE LA REPUBLIQUE

Le 14 avril 1931 était proclamée la Deuxième République espagnole. Les listes monarchistes avaient perdu les élections municipales et le roi Alphonse XIII, désavoué, dut prendre le chemin de l'exil. Le premier avril 1939, Franco, après une Guerre d'extermination, se vantait de "la défaite de l'armée rouge". Ecrasée, la République, le dernier référent démocratique, fut à nouveau bradée à la mort du dictateur, dans la période de pactes connue sous le nom de "transition". La constitution de 1978 instaura une monarchie parlementaire. Le peuple espagnol ne fut pas consulté par référendum sur "république ou monarchie". En fait, la "transition" enfanta le rétablissement de la monarchie des Bourbons, corset qui permet au capitalisme de prospérer.

Un week-end de Pâques 1977, Adolfo Suarez, et quelques "aperturistas" (partisans d'un lifting démocratique) légalisèrent le PCE, moteur de l'antifranquisme. Il sortit d'une longue clandestinité. Dans la négociation, le secrétaire du PCE, Santiago Carrillo, renonça à la République et à son drapeau. Pour la majorité des communistes d'alors, le choix était entre "démocratie et dictature". La "transition" se fit donc sans rupture avec l'architecture du régime précédent. Le pouvoir social se transvasa tout en  restant aux mains de la bourgeoisie. La "transition", présentée comme "modélique", et exportée en Amérique latine, permit aux classes dominantes de maintenir le statu quo  social,  de pacifier la situation en  faisant oublier les antagonismes de classe.

 

Aujourd'hui, tout l'édifice de cette "transition" aux conditions des "vainqueurs", son pacte (bancal) social, démocratique, territorial, sont épuisés.  Le mythe fonctionne de moins en moins. La "transition" a servi essentiellement à recycler le système (issu du franquisme), désormais en crise totale. Derrière le rideau jadis consensuel, les forces conservatrices, sous la houlette du monarque (62% des Espagnols souhaitent qu'il abdique), sont à nu.

La tsunamique crise économique, et les résistances populaires acharnées, les nouveaux mouvements sociaux (comités et plateformes issus des "Indignés",  organisations contre les expulsions locatives, "marées" enseignantes, des personnels de la santé, Syndicat andalou des travailleurs, plateformes "Podemos" des universitaires Iglesias et Monedero, "Somos Mayoria" de Julio Anguita, associations des "sans", comités de voisins...) ont entraîné une crise du modèle politique, du bipartisme, de la monarchie, des pactes de la fin des années 1970...Le peuple se républicanise; pour la première fois depuis la mort du dictateur, la popularité de la monarchie, illégitime et corrompue, en chute libre, est passée sous la barre des 50%.

 

Les grandes manifestations populaires se hérissent désormais de drapeaux républicains.

On assiste à un début de jonction entre le mouvement social, globalement anticapitaliste, et le mouvement mémoriel. Sont-ce les prémisses d'une deuxième et véritable "transition", sous la poussée des manifestations qui se multiplient, telles les énormes "Marches de la Dignité" du 22 Mars? L'exigence d'un processus constituant gagne du terrain.

 

La crise catalane , la forte revendication indépendantiste, exigent, pour de nombreux militants d'horizons différents, la reconnaissance de la réalité plurinationale de l'Espagne, une refonte du fédéralisme, vers un état plurinational,  le droit à l'autodétermination et à la souveraineté de chaque composante, dans un cadre souple, renégocié, équilibré, radicalement renouvelé: une République fédérale et sociale, comme le proposent Izquierda Unida, les communistes, les libertaires de la CGT, des secteurs des Commissions Ouvrières, de l'UGT, des groupes de gauche alternative, des associations mémorielles, etc. Au parlement de Madrid, socialistes et "populaires" (la droite bien dure) viennent de refuser ensemble aux Catalans le droit de voter lors d'un référendum en fin d'année. C'est jeter de l'essence sur le feu. Les Catalans veulent avant tout, pour qui sait décoder, une autre Catalogne, une autre Espagne; ils rejettent non pas l'Espagne mais l'Etat espagnol, le "centralisme castillan". Pour les Républicains catalans, refuser d'entendre peut conduire au pire... Alors vite- vite, sortons de la plainte, de la mémoire exclusivement nostalgique, sentimentale. Oui vite-vite: la Troisième République. Les commémorations du 14 avril en portent plus que jamais cette année l'exigence, le sens politique. Politique.

Jean Ortiz

09/04/2014

Marxistes des deux rives

Marxistes des deux rives

 

Le 8 avril un panel de marxistes des deux rives du "charco" (l'océan), se sont rencontrés à Paris, à l'initiative conjointe de l'association "Espace Marx" et de l'ambassade de l'Etat plurinational de Bolivie. Une initiative forte, pertinente et stimulante, présidée par Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. Les uns et les autres étaient appelés à réfléchir ensemble, à s'apostropher, sur "l'avenir de la gauche européenne" et sur "l'actualité du marxisme".

La rencontre s'articulait autour d'un "grand conférencier" bolivien, le vice-président Alvaro Garcia Linera, l'un des penseurs majeurs de la gauche latino-américaine, connu notamment pour ses  recherches sur "marxisme et indianisme", déclinées sous formes de travaux pratiques par la révolution bolivienne.

Chacun sait combien en Europe la  pensée marxiste est minorée, voire censurée, stigmatisée, étouffée, quasi bannie des universités. Mais elle résiste plutôt bien et se renouvelle, se "questionne", s'enrichit, au nez et à la barbe des nouveaux Inquisiteurs de la pensée unique et du bipartisme. Isabelle Garo, Michael Lowy, André Tosel, Razmig Keucheyan, Etienne Balibar, ont exposé des points de vue décapants, et planté au vice-président bolivien de stimulantes banderilles.

 

De l'autre côté du "charco"...On assiste en Amérique latine, depuis une vingtaine d'années, à un retour en force de la pensée critique, du marxisme et de ses diverses lectures, de la contestation du capitalisme. Il a précédé les processus de transformation sociale en cours. La légitimité, l'hégémonie, du néolibéralisme sont largement contestés. Le marxisme renoue en quelque sorte avec ses sources endogènes continentales. Le "premier marxisme" des années 1920 et en partie 1930, en Amérique latine, fut "créole", hétérodoxe, ouvert,  fécond. Les pensées du Cubain Julio Antonio Mella et du Péruvien José Carlos Mariategui, témoignent de cette fraîcheur, de cette vigueur. Puis vint la prise en main par l'Internationale communiste, la "soviétisation", la soumission à un centre, à un modèle exogène...

Alvaro Garcia Linera a mis insistamment l'accent sur la nécessité des "grands récits", de la reconquête idéologique, culturelle, en abandonnant, face aux échecs, toute sinistrose, tout "repli auto-complaisant"; tout comme l'urgence d'alternatives viables, d'horizons crédibles. Cet (ces) "horizon d'époque", crédible, est pour lui le communisme, "qui ne peut être que pluriel et démocratique".

La révolution a besoin de gauches qui parlent clair, "décomplexées", poursuivait-il. L'ex guérillero démontre comment, en Bolivie, le néolibéralisme a été "dénaturalisé", "vaincu", par des mobilisations parties d'en bas, des régions, sur une seule revendication (l'eau, puis le gaz, en tant que biens communs inaliénables, non privatisables). Elles ont essaimé et pris "la forme multitude", par des canaux non traditionnels de pression sociale. Elles ont gagné les élections, une nouvelle constitution, une révolution "communautaire", "protagonisée" par les peuples indiens et tous les exploités, une révolution pluriculturelle, pluriethnique, originale, mais qui ne saurait servir de modèle, sinon de laboratoire.

C'est le mouvement social qui a primé en décidant de devenir une force électorale.  Ce mouvement et les syndicats "ont fait de la politique", sans cloisonnement. L'économie bolivienne "de transition", ce "modèle "hétérodoxe", "post-néolibéral", fait coexister les secteurs public, privé, mixte, les coopératives, les investissements étrangers, etc.   Un Etat fort, régulateur, contrôle 40% de l'économie. Il a imposé aux multinationales de nouvelles règles du jeu, un partage inédit des bénéfices: 85% pour l'Etat et 15% pour Total, pris comme exemple. Et "elles restent".

Le conférencier n'a pas caché  les difficultés du processus vers une société "post-capitaliste". Il a abordé, comme stimulantes, "les contradictions, créatives, entre développement, bien-être, écologie, Pachamama, et redistribution". Un débat de haute volée. Un laboratoire pour tous, marxistes et révolutionnaires des deux rives. OUI: on peut! Le néolibéralisme peut et doit être dépassé. Vérité ici comme de l'autre côté de l'océan.

 

Jean Ortiz

Universitaire

07/04/2014

Gros sur la patate

Gros sur la patate

 

 Il y a longtemps que je n'ai pas déblogué!  C'est que la vie roule tellement vite que descendre du train s'avère difficile, voire périlleux. Avec la constitution du Front de gauche, j'avais cru enfin apercevoir de la lumière au bout du tunnel: c'était un train fou qui venait en face...Nous sommes des milliers à en avoir tellement gros sur la patate que le cours des pommes-de-terre est aussi bas que la côte de François Hollande.

 

 Nous en avons gros sur la patate d'être obligés de nous retenir, par peur de desservir la "cause", alors que çà et là quelques carriéristes parlent et agissent en notre nom, donnent une image frelatée de notre idéal, alors que tant et tant de communistes d'hier et d'aujourd'hui ont mené et mènent la lutte des classes avec altruisme et désintéressement. A ceux-là, qui sont entrés au parti mais chez qui le parti n'est pas entré, comme aimait à le répéter mon guérillero de père, il faut leur crier : "Notre idéal est trop beau pour vous l'abandonner!".

 

 Nous en avons gros sur la patate de manquer de lisibilité, à l'heure des grandes échéances, alors que nous restons le parti de la transformation sociale.

 

 Nous en avons gros sur la patate de laisser la radicalité (par définition : aller à la racine des maux) à d'autres.

 

 Nous en avons gros sur la patate de ne plus nommer l'horizon, comme si avec l'Est nous avions aussi perdu le nord.

 

 Nous en avons gros sur la patate de céder devant la criminalisation des mots, d'avoir peur de parler de "socialisme", ou de perspectives socialistes, ou d'horizon socialiste, ou de socialisme du XXIe siècle, d'éco-socialisme, etc.

 

 Nous en avons gros sur la patate de voir notre parti dériver parfois vers des stratégies "à la carte", comme au restaurant.

 

 Nous en avons gros sur la patate de la timidité de notre engagement internationaliste.

 

 Nous en avons gros sur la patate d'être de fait, souvent, même si nous nous en défendons, socialo-dépendants.

 

 Nous en avons gros sur la patate d'être en permanence court-circuité, écarté, lorsque tel ou tel considère qu'on peut lui faire de l'ombre.

 

 Nous en avons gros sur la patate d'entendre et d'écouter un peu partout des communistes en perte de repères, en souffrance.

 

Mais nous avons chaud au cœur lorsque, au cours de nos débats, de nos conférences, le "peuple communiste" nous témoigne son affection.

 

 

 

Jean Ortiz