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12/06/2014

Couronnement d'un nouveau roi, le PPSOE

Le parti unique espagnol, le PPSOE, bras politique de la confédération patronale (la CEOE) vient d'approuver la "loi d'abdication", "organique", sur mesure, pour verrouiller la succession royale par un véritable coup de force après de répugnantes manœuvres : 299 voix pour, 19 contre (IU et ERC), 23 abstentions. Ah! elle est belle, leur démocratie occidentale! Relevons la tête lorsqu'ils s'acharnent contre Cuba; le Venezuela... Ne jouons pas les autruches lorsqu'ils s'érigent en donneurs de leçons.

Alors que 62% des Espagnols se prononcent pour un référendum entre monarchie et république, le PPSOE a rejeté de l'ordre du jour des Cortes une proposition de loi en ce sens, déposée par Izquierda Unida. Il faut passer en force, et rapidement, pour éviter tout débat sur la forme de l'Etat. Comme Franco le disait en 1969, "la situation est verrouillée, bien verrouillée". Les uns et les autres s'accrochent aux pactes rances de la transition, totalement caducs, qu'ils nous resservent aujourd'hui, mais le peuple espagnol n'en veut plus; il attend une alternative politique stable, crédible, large, radicale. C'est le défi devant lequel se trouvent toutes les forces de la gauche de transformation sociale.

Le PSOE s'enfonce dans la crise; des sections de bases et les jeunes se prononcent pour la république. L'opération "sauvetage de la monarchie" ne sert qu'à gagner du temps. L'exigence d'un processus constituant en tant que seule réponse à la gravité de la situation du pays prend de l'ampleur. Une nouvelle Espagne est en marche.

Jean Ortiz

06/06/2014

La pente et la côte à VIC-FEZENSAC

On va aux toros comme d'autres vont au rrubi, au Tour de France, à la chasse à la bécasse, à la course aux escargots catalans

On va aux toros par sadisme, pour voir saigner un pauvre animal, et par voyeurisme, attendant secrètement que le toro gagne. La barbarie n'a pas de limites.

Le torero est un pauvre type qui cultive son égo en voulant être l'égal d'un fauve qui termine la plupart du temps dominé, soumis. Le torero prend plaisir à domestiquer la force brutale, à jouer avec elle, à la transcender en l'art le plus effet mère qui soit.

Le torero est un être androgyne, suspect a priori, un condensé de rom, de ceux qui font tourner le toro en rond, au lieu d'obéir à un responsable des ressources humaines.

Le torero joue parfois au macho. S'il en avait vraiment, il irait combattre au Mali, en CentrAfrique, en Syrie, pour défendre le droit des animaux à être bombardés.

Je comprends les anti-taurins, les animaux sont le meilleur de la nature humaine, et d'ailleurs, si la corrida n'existait pas, le toro serait bien tranquille au cimetière des espèces disparues.

A Vic-Fezensac, dans le Gers, au milieu des quartiers huppés, des centres d'affaires, des gratte-ciel de la finance internationale, se dresse une arène interdite aux pauvres, aux prolos analphabètes, aux paysans mal dégrossis, aux Italiens rouges, aux Républicains espagnols. Chaque année s'y retrouvent les VIP de la Jet-set, qui une fois débarqués de leur hélico privé, aiment à s'encanailler.

C'est pour tout cela que j'aime le toro à Vic. Pour ses bijoux de famille. Pour ses cornes, pour les cuites de Marcel, et pour ces êtres qui tutoient la mort, pour un geste juste, pour la beauté intemporelle d'une passe (gratuite), d'une naturelle aussi naturelle que la respiration.

Jean Ortiz

05/06/2014

ABDIQUER POUR REPRENDRE LA MAIN?

Depuis quelques années, en Espagne, les manifestations populaires se hérissent du drapeau républicain tricolore. Il y a une petite décennie, la République et son étendard relevaient encore du tabou, et en parler, le brandir, provoquait souvent des réactions agressives. Désormais le choix République/Monarchie est entré pleinement dans le débat citoyen.

L'abdication, le 2 juin 2014, du roi Juan Carlos, négociée avec le parti populaire, de la droite, et le parti socialiste (PSOE), traduit la fébrilité de la monarchie et des classes dominantes espagnoles. En cinq ans, l'image de la monarchie s'est tellement dégradée que, pour la première fois depuis 1975, elle ne recueille l'adhésion que d'un Espagnol sur deux. Selon les sondages du Centre de recherches sociologiques, en avril 2014, les Espagnols notent 3,72 sur 10 le monarque.

Tout l'édifice de la "transition", sur lequel repose la domination de l'oligarchie financière, vacille; devenu obsolète, il appelle une rapide opération cosmétique: l'abdication d'un roi empêtré dans "les affaires", finissant, et l'accession au trône d'un roi jeune, "moderne", accessible, compétent, réformateur...

La crise et les saignées imposées par la "troïka" ont provoqué, et suscitent toujours plus, chez le peuple, un rejet majoritaire de la "classe politique", un discrédit des institutions, une perte de légitimité de l'Etat espagnol. Les élections européennes ont vu le bipartisme perdre du terrain (recul de cinq millions de voix) au profit notamment de "Izquierda Unida" et du jeune mouvement "Podemos". Le 22 mars 2014, la "Marche de la dignité" a inondé le centre de Madrid de plus d'un million et demi d'indignés, au cri emblématique de : "Oui, c'est possible!"

L'abdication négociée du Bourbon désigné en 1969 successeur par Franco, a vu les "élites" politiques et économiques serrer immédiatement les rangs. L'heure est à préserver les "pactes de la transition": ils garantissent la "libre entreprise dans le cadre de l'économie de marché": c'est écrit dans la constitution. Médias, justice, patrons, PP et PSOE, ont rivalisé d'hommages dithyrambiques au roi qui "a octroyé aux Espagnols la démocratie". Les mots des uns et des autres sont interchangeables. Insupportable réécriture de l'histoire. Niés les dizaines de milliers d'antifranquistes morts, exilés, disparus, torturés, garrotés, emprisonnés à Burgos, à Carabanchel, communistes, anarchistes, syndicalistes, militants basques, catalans... ensevelis sous des montagnes de mensonges. Le quotidien "El País", de la multinationale socialiste "Prisa", en a rajouté des tonnes dans l'apologie, titrant son éditorial du 2 juin 2014: "Un monarque nécessaire". A qui? Le 4 juin, Juan Luis Cebrian, dirigeant de "Prisa", qualifie dans une tribune le monarque de "moteur du changement". A quand la canonisation?

Le secrétaire des socialistes, le social-libéral Rubalcaba, se déclare "fier du consensus monarchique" (público.es, 3 juin 2014); les socialistes "n'entendent pas le rompre".

 

Les grands patrons de l'IBEX 35 se sont répandus en louanges aux cris de "Vive le roi!" (El País, 4 juin 2014) lors de la remise, par Juan Carlos, du prix "Royaume d'Espagne à la trajectoire entrepreneuriale", au palais du Pardo. Le monarque a répété, comme il l'a souvent matraqué, que les contributions des patrons sont "fondamentales". Et le roi ne serait qu'un "simple arbitre"? Neutre? Tout au long des 36 ans de règne, il n'a cessé de défendre le néo-libéralisme.

 

Les uns et les autres comptent sur le nouveau roi "Felipe Seis" (et la reine Leticia Ortiz, ex roturière) pour "diriger les changements que le pays nécessite" (et nécessaires pour redorer le blason de la Maison royale). Quid de la volonté et la souveraineté populaires? Au-delà de l'incompatibilité République/Monarchie, se pose en fait le problème de la démocratie bafouée.

L'article 57.5 de la constitution oblige, en cas d'abdication, à fabriquer (sur mesure?) une "loi organique" pour assurer la succession, mais pas l'impunité du sortant. "Inviolable", citoyen au-dessus des autres, le roi l'est dans ses fonctions. Lorsqu'il n'a plus de couronne, il devient un justiciable comme les autres. Or, la "loi organique" PP-PSOE va sans doute garantir à l'abdiquant l'impunité à vie. La constitution stipule également que le roi est "chef de l'Etat". Un nouveau chef de l'Etat espagnol va donc être intronisé sans passer par les urnes. Nous sommes dans le coup d'Etat permanent.

Un processus constituant vers une constitution et une République nouvelles s'impose, comme seule issue démocratique. Mais l'émergence de programmes alternatifs et la convergence des forces de transformation sociale, tardent. Brandir le drapeau républicain constitue un historique pas en avant, mais cela ne saurait suffire à la conquête d'une République sociale, plurinationale, fédérale, anticapitaliste.

Jean Ortiz

Universitaire

Pau (France)