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28/02/2012

Les crimes du franquisme restent à juger

Le Tribunal Suprême espagnol, qui s'était couvert de honte, d'indignité, en condamnant le juge Garzon à ne plus exercer sa profession , a tenté de se refaire une virginité démocratique en l'acquittant dans le procès emblématique.
Dans l'affaire des disparus et des crimes contre l'humanité du franquisme, par six voix sur sept, le T.S a voté le rejet de l'accusation de "prévarication"   contre Garzon.
Ces messieurs, hier inquisiteurs, tentent ainsi de donner le change,
de couvrir une liquidation politique.
Mais leur recul constitue aussi une victoire des campagnes de solidarité envers le juge, et de la sympathie majoritaire de l'opinion publique espagnole et mondiale.
Garzon avait donc raison d'exiger vérité, justice et réparation pour les familles des 130 000 républicains encore enterrés comme des chiens dans des fosses communes, pour les 30 000 enfants volés par les franquistes à leurs mères républicaines et confiés à des familles "saines", afin de les "purifier"...Une loi de 1941 autorisa même les fachos "adoptifs" à changer le nom et le prénom des enfants.

Le Tribunal Suprême a absous Garzon mais sali sa cause, déclarent les associations mémorielles. Le Tribunal Suprême continue à empêcher que soient jugés les crimes du franquisme. Il persiste à utiliser le vocabulaire révisionniste des "deux camps".


LE COMBAT DE MEMOIRE DOIT DONC CONTINUER !! Abrogation de la loi d'impunité de 1977, contraire à toutes les lois et conventions internationales !  Le franquisme doit enfin être mis au banc des accusés.

Près de 700 universitaires ont signé notre appel de solidarité avec le juge Garzon, soutenu par le SNESup.
Jean Ortiz
Université de Pau
Président de l'Association Mémoire de l'Espagne Républicaine

22/02/2012

Garzón: les raisons d'une mort professionnelle annoncée.

 

 

C'était couru d'avance; le juge Garzón a été tué professionnellement au terme d'un procès cousu de fil blanc et rose. Neuf juges unanimes, et tous n'étaient pas de droite, lui ont interdit d'exercer sa profession pour avoir "violé" le secret des conversations entre avocats et prévenus emprisonnés, dans le cadre du plus grand scandale politico-financier qu'ait sans doute connu l'Espagne: l'affaire Gürtel. Des millions d'euros de détournements, de pots de vin, de commissions... Un scandale de financement illégal d'élus de premier plan et de dirigeants du parti conservateur (aux actuels relents néo-franquistes), le Parti Populaire.

La pratique d'écoutes avait pourtant été validée par le procureur. L'un des accusés les plus emblématiques, l'ex-président de la Communauté valencienne (Francisco Camps), présenté par les médias progressistes comme un ripoux cinq étoiles, flambeur et condescendant, a été blanchi par un "jury populaire"... valencien. Le juge Garzón, qui a le premier instruit cette trame gigantesque de corruption a, quant à lui, été condamné. "Un mundo al revés". Il sera désormais difficile en Espagne de combattre la corruption. Les jeux étaient faits d'avance, et le rideau de fumée médiatiquement érigé en diversion.

Car c'est en réalité pour d'autres raisons que le juge a été sanctionné... Un deuxième procès l'attendait, ses accusateurs, Mano Limpia et Falange española, deux groupuscules fascistes, dénonçaient la "prévarication" de ce juge tellement gênant, pour avoir, notamment, en octobre 2008, décidé d'enquêter sur la répression franquiste, de la qualifier de "crimes contre l'humanité", donc imprescriptibles, et de mettre en lumière l'existence d'un plan systématique, prémédité, appliqué méthodiquement, d'élimination de l'Espagne républicaine.

Dans son ordonnance de l'automne 2008, répondant à la demande des familles de victimes, des associations mémorielles, Garzón et ses conseillers, les historiens reconnus Julián Casanova, Francisco Espinosa..., évaluèrent à une fourchette comprise entre 100 000 et 150 000 le nombre de républicains "disparus", qui gisent encore dans des fosses communes, et soulevèrent le scandale des enfants volés (30 000) par les franquistes à leurs familles républicaines, pour les "rééduquer". On se souvient qu'un mois plus tard, le juge dut s'auto-dessaisir avant de l'être par Tribunal Suprême et la "Audiencia Nacional". Le franquisme, encore enkysté dans l'appareil judiciaire, réagit à la hauteur de la menace présumée. En réalité, depuis longtemps, les deux grands partis politiques majoritaires ont des comptes à régler avec le juge, et une sorte de consensus s'est créé pour sa mise à mort professionnelle.

Ouvrir les dossiers des disparus, des enfants volés, des "crimes contre l'humanité" du franquisme, c'est selon la rapporteuse spéciale de l'ONU sur l'indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knau, "être cohérent avec les obligations de l'Espagne d'enquêter sur les violations des droits de l'homme selon les principes du droit international". Cela suppose donc de remettre en cause la loi "d'auto-amnistie" et d'impunité de 1977; elle verrouille tout jugement contre le franquisme, et perpétue la "transition sans rupture", la pseudo-réconciliation sur la base de l'oubli imposé.

Parti Populaire et PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) ont compris que la démarche de Garzón mettait en cause toute l'architecture d'une "transition" frelatée, d'une démocratie bancale, qu'ils ne veulent pas remettre en question. On sait que les secteurs économiques dominants, la finance, les tortionnaires, beaucoup de juges, de militaires, d'évêques, se sont convertis à la démocratie en une nuit. Ce qui m'a frappé en Andalousie, lorsque nous avons ouvert la fosse commune de Santaella, c'est que nombre de dirigeants socialistes d'aujourd'hui, sont issus de familles de "vainqueurs", qu'ils ont tourné la page du franquisme sans vraiment la lire, et que les "intérêts créés" font que la "classe politique" ne veut ni vérité, ni justice, ni réparation pour les victimes du franquisme. 300 000 familles républicaines ont été spoliées de leurs biens; ils ont enrichi le patrimoine de banques, de grands propriétaires, de caudillos phalangistes, etc. Toucher à "la transition consensuée" peut aboutir, et les uns et les autres n'en veulent à aucun prix, à contester le système économique et la légitimité d'une monarchie, enfantée par le dictateur, qui voulait laisser "tout bien ficelé".

Jean Ortiz, Universitaire

21/02/2012

Des livres contre des matraques (Valencia)

Des milliers d'étudiants ont envahi aujourd'hui les rues de Valence pour protester contre la violente répression d'hier où la ville était quasiment en état de siège. Les manifestants brandissaient les livres (des livres contre les matraques) et reprenaient le slogan chilien: "pour une éducation laïque, gratuite et de qualité". Les professeurs soutiennent le mouvement. L'Université est occupée. La brutalité répressive a rappelé à l'Espagne l'époque du franquisme et provoqué une onde de choc. Demain à 18h doit avoir lieu une nouvelle manif géante.

Jean Ortiz (21 02 2012)