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24/07/2012

Au bout de la piste, la révolution

Au bout de la piste, la révolution

Etat de Barinas, état natal du president Chavez. Nous avons choisi de fuir les sentiers battus; la plupart des journalistes les emprunteront en septembre pour dénigrer les changements en cours au Venezuela.
Apres un trajet de cahots poussiéreux sur une mauvaise piste, nous arrivons a la ferme La Guayana, dans le municipio Ezequiel Zamora, chez un petit producteur aidé par la Federation bolivarienne des éleveurs et agriculteurs du Venezuela (FEGAVEN). Il y a quelques années, un grand proprietaire possédait ici  9000 hectares. La révolution lui en a confisqué 4000, pour les redistribuer aux paysans. Dans les endoits les plus reculés, cohabitent les vieilles masures paysannes avec les maisonnettes en dur, "chavistes", et construites récemment par le gouvernement, nous disent fierement les "llaneros".
La révolution avance, mais la structure de la propriété agricole reste encore majoritairement latifundiaire. Selons les paysans du PSUV qui nous accueillent, Melqui Mesa, Orlando Mora, Antonio Campos, Anibal Pava, "la lutte est dure, tendue; elle sera longue, mais on ne reviendra pas en arriere". Ils nous offrent du fromage frais de buffle, un bétail jadis réservé aux grands proprietaires, et que le gouvernement bolivarien introduit aujourd'hui massivement (4 millions de tetes). Avec 4 litres de lait de buffle, on fabrique 1 kilo de fromage. Chaque petit producteur bénéficie d'une grande facilite pour accéder a des crédits, dans des conditions particulierement favorables.
Nouvelle piste jusqu'a la ferme El Triangulo. Memes constats. La révolution a commencé a changer la vie des petits et moyens paysans. L'agriculture, longtemps laissée a l'abandon, ne représente encore que 10% du PIB.
Depuis 2 ans, le programme dénommé "Agropatria" a remplacé la multinationale espagnole "AgroIsleña", nationalisée, qui fournissait semences et produits chimiques aux paysans en échange de 60% de la récolte. Aujourd'hui, c'est l'Etat qui a pris le relais, a des prix désormais "solidaires". Dans les endroits isolés, la plupart des familles omt l'eau et l'électricité.
Ici, exotisme assuré: oiseaux de toutes les couleurs, fruits étranges, et la musique "llanera", a base de harpe et de "cuatro" (guitare a quatre cordes), qui pleurniche l'amour. De retour au village, des militants peignent sur un mur: "Chavez, candidat de la patrie".
Nous achetons le journal "La Nacion". Titre énorme: "7 morts par des tueurs a gages dans l'Etat du Tachira". La droite joue avec l'insécurité, l'instrumentalise jusqu'a plus soif politique. Elle en fait son programme, sa stratégie principale. Nous pouffons de rire en appenant par ce meme journal que le candidat Capriles (il appartient au parti le plus a droite de la coalition MUD, "Primero Justicia" -La justice d'abord-, avec les "sociaux démocrates" d'Action démocratique, des restes du parti démocrate chrétien COPEI, tous les vieux politicards de la IVe République et de son bipartisme) descendrait, selon un généalogiste, de la famille de Simon Bolivar. Il a du subir plusieurs mutations génétiques... Le 24 juillet 1783 naissait Simon Bolivar. Bon anniversaire, Camarade Libertador!
Anecdote du jour: un buffle "manso" de  1 000 kilos est plus facile a toréer qu'un "toro bravo".
40 degrés; on dégouline...
Menu du soir: "arepas" (galettes de mais) et "carne mechada" (viande effilochée).

Jean Ortiz

 

 

23/07/2012

Chroniques vénézueliennes /6 La FEGAVEN et les "llanos"

 

Après une journée de pluies abondantes, de routes inondées, pittoresques, et d’embouteillages, nous sommes invités par la Fédération de producteurs et éleveurs du Venezuela (FEGAVEN) à voir au plus près la révolution bolivarienne dans le secteur agricole, la paysannerie, les conseils comunaux, les conseils de producteurs, etc.

Nous arrivons à Guanare, dans l’état de Portuguesa, le grenier du pays, et l’état le plus chaviste aussi, à la nuit tombée. La veille, le candidat de l’opposition avait déclaré : “Ne jetez pas l’éponge, nous avons encoré plus de 70 jours”, une vraie posture de vainqueur! Ici, c’est également le pays des troubadours paysans à la harpe. Les “llanos”, ces plaines agricoles et d’élevage, s’étendent sur cinq états centroccidentaux du pays; le climat est tropical dans le piémont andin où est située Guanare.

Le président national de la FEGAVEN, Balsamiro Belandria Rivas, et le président local, José Gregorio Palencia, nous ont préparé une tournée dans les états de Barinas, Mérida, Tachira, etc. La FEGAVEN impulse dans ces zones un travail de terrain, comprenant des milliers de projets, portés en grande partie par des petits et moyens producteurs. Chaque samedi, la radio nationale du Venezuela (RNV), et Radio Sur, très écoutées dans le pays et sur tout le continent latino-américain, diffusent une émission en direct, “C’est ainsi que l’on produit au Venezuela”, préparée et présentée par Balsamino Belandria lui-même.

Le lendemain de notre arrivée, un samedi précisément, nous sommes invités dans cette émission à parler de la situation en France, et des fondements de notre solidarité, etc. dans une unité d’élevage et de production laitière pilote, au bord d’une lagune où se baignent ibis noirs et autres oiseaux tropicaux.

Ici, on connaît et on respecte beaucoup Ignacio Ramonet et Jean-Luc Mélenchon. Nous expliquons ce que sont les positions du PCF, la stratégie  du Front de Gauche, depuis notre appartenance communiste, la politique du gouvernement Hollande, le pacte européen de stabilité budgétaire … Nous reviendrons plus longuement dans des articles ultérieurs sur les expériences nouvelles, horizontales, autogérées que la révolution a créées. Les petits paysans et producteurs locaux nous parlent sans détours. L’un d’eux, à notre grande surprise,  n’est autre que le frère de l’Ambassadeur du Venezuela en France.

Le président de FEGAVEN est un journaliste de talent, qui dirige aussi la Fédération et exploite une propriété de production de lait de “búfalas” (buffles). Il a l’oeil avisé et la parole sûre. Demain, nous partirons pour une expédition à l’intérieur des Llanos.

La chaleur tropicale moite peut ici, s’il n’y prend garde, plonger le révolutionnaire francais dans la torpeur. Au menú : cachapa (galette de maïs doux et fromage frais).

 

Jean Ortiz

 

22/07/2012

Une invasion invisible?

Une invasion invisible?


A Caracas, place Altamira, sur le lieu même où se réunirent les putschistes en 2002, où ils prièrent pendant des semaines face à l'obélisque de Luis Roche, à quelques pas du grand hôtel où ils cachèrent les armes, il règne un calme glacé d'hommes d'affaires pressés. Pas une affiche de Capriles. C'est à se demander si le candidat de l'opposition fait campagne dans la rue. Un secteur de la droite reconnaît même qu'il est franchement mauvais. Il est à la fois un montage politico-médiatique, une feuille de vigne, et un expert en communication. Pour gagner en popularité, il va jusqu'à singer Chávez, portant parfois le chapeau paysan des "llanos" (plaines d'élevage) ... lorsque Chávez le porte.
La droite, difficilement unie dans la MUD, sorte de front d'unité de facade et "démocratique", sait qu'elle va perdre. La tonalité, dans les rues, les sondages, en témoignent. Le Comandante bénéficie d'un quotient personnel impressionnant, renforcé par sa lutte courageuse contre la maladie. Alors, la droite prépare déjà le terrain. Sa ligne de défense apparaît clairement dans les médias : " Chávez viole la constitution, le code électoral", "s'apprête à frauder", "monopolise les ondes" ... La droite et ses alliés socio-démocrates, démocrates chrétiens, vieux restes des partis qui ont fait failite, mettent tout en place pour un "néo-putsch" pseudo-démocratique. Le journal Tal Cual, de l'ex-guérillero repenti, Teodoro Petkoff, ex-ministre ultra-libéral du président COPEI (chrétien démocrate) Rafael Caldera, titre : "Chávez viole la constitution", le code électoral, alors que c'est le candidat ex-putschiste Henrique Capriles Radonski qui a refusé de signer le cahier des charges électoral. La campagne sur la fraude est déjà instillée. Battue, la droite conteste d'ores et déjà les conditions de la campagne et le résultat qu'elle pressent. La plupart des chavistes, militants de base ou députés, que nous avons rencontrés craignent qu'après la Lybie, la Syrie, nous disent-ils, ce ne soit le tour du Venezuela. Au parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), comme au petit parti communiste (PCV), on redoute une déstabilisation qui ferait ici couler beaucoup de sang. "Chávez es pueblo" Un ami universitaire nous laisse entendre que des groupes paramilitaires se préparent, certains venus de Colombie.
Nous prenons le métro, dangereux selon la propagande des médias-mensonges; il nous apparaît propre, calme et efficace. Des affiches y défendent la réforme agraire, appellent à respecter les règles civiques élémentaires.
Arrêt station Capitolio. Sains et saufs. Pas de chars cubains dans les rues, mais une Police nationale bolivarienne, au sifflet strident, créée en 2009 pour pallier la corruption des anciens corps.
Place Bolívar, face à la statue équestre du Libertador, un groupe de vieux messieurs et de vieilles dames, anciens guérilleros communistes des années 1960-1970, attendent de recevoir un prix à la mairie. La cérémonie commence par un hommage officiel à Gustavo Machado, fondateur du PCV. Après l'offrande florale aux pieds du Libertador, une chorale entonne l'hymne du Venezuela. Ces vieux lutteurs communistes, Hernán Abreu (Patricio), Carmen Estévez (Lucía), sont émus de la présence d'un communiste francais. L'internationalisme peut s'avérer lacrymal. Demain, départ pour une virée kilométrique à l'intérieur du pays.
Menu du soir: empanadas pabellón.

Jean Ortiz