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22/11/2013

Amérique latine La contre-offensive de Washington se heurte aux nouvelles réalités

Amérique latine
La contre-offensive de Washington se heurte aux nouvelles réalités

En mai 2013, le président B. Obama prévenait: "L'Amérique latine représente une opportunité incroyable pour les Etats-Unis". Durant son premier mandat, les Etats-Unis, trop "occupés", en Irak, an Afghanistan, en Libye, relâchèrent un peu la pression sur une "arrière cour" qui commençait à leur échapper. L'influence de Washington en Amérique latine a désormais reculé au point de susciter aujourd'hui une contre-offensive impérialiste multiforme.

L' "empire" est désormais en difficulté et son hégémonie contestée comme jamais dans l'histoire; il n' a pas renoncé pour autant à récupérer le terrain perdu dans une région où plusieurs gouvernements se réclament de politiques "post-néolibérales", voire anticapitalistes.

Le cœur de cible de la contre-offensive nord-américaine demeure le Venezuela bolivarien, qu'il faut faire "tomber" par une stratégie "à la chilienne", d'usure et de déstabilisation, de "guerre économique", de coup d’État rampant. Cette stratégie, ajoutée aux freins que constituent la corruption, la bureaucratie, l'insécurité, marque des points, perturbe une économie encore trop dépendante de la "rente pétrolière" et des importations.
Le patronat, le secteur privé, la bourgeoisie "parasitaire", contrôlent encore environ 70% de l'économie; ils provoquent des pénuries de produits de base, des sabotages économiques, des hausses injustifiées de prix... Ils les attribuent ensuite sans vergogne et avec tout leur mépris de classe, au président Maduro, ce "vulgaire chauffeur de bus", cet "ouvrier incompétent".

Or précisément, cet ouvrier très politique et compétent, devenu président, a pris le taureau par les cornes et gouverne collectivement, au plus près du peuple. Sa pratique révolutionnaire de "gouvernement de rue", la construction d'un "État communal", la mise en place de "communes" (sortes de gouvernements locaux), transfèrent le pouvoir aux citoyens et activent le processus de construction, par la voie démocratique, d'un "socialisme du 21ième siècle". L’État a pris des mesures enfin concrètes pour faire face à l'inflation chronique, à la spéculation, à la corruption endémique, à l'insécurité (ancienne). Une nouvelle instance du "pouvoir populaire", les "comités de défense populaire de l'économie", impliquent les citoyens dans la riposte à la "guerre économique", par le contrôle ouvrier , l'autogestion...

Le chavisme, pluriel, et son énorme parti (encore fragile), le PSUV, surmontent peu à peu le traumatisme de la mort de Chavez (leader au charisme exceptionnel, à la haute stature politique). Ils sortent orphelins du deuil collectif, convalescents, mais renouvelés et conquérants. Les élections municipales du 8 décembre constitueront un test politique de la plus haute importance.

La stratégie étasunienne de reconquête passe également par la riposte à l'intégration continentale en marche, qui, de fait, traverse un moment difficile. Washington met en place une sorte d'étau, une immense "zone de libre-échange", un "grand marché de consommateurs": "l'Alliance du Pacifique" , "l'Accord d'Association Transpacifique" (TPP), un clone du projet transatlantique Etats-Unis-Union Européenne. Cet ensemble Chili, Mexique, Colombie, Pérou, Canada, Malaisie, Vietnam, Nouvelle Zélande, etc... vise à torpiller l'Alba, l'Unasur, la Celac, à soumettre la région à une nouvelle donne économique, politique et géostratégique, très "libérale". Le repositionnement impérialiste permettra en outre d' "accorder la priorité aux bénéfices des multinationales" (déclaration du président équatorien Correa à Paris, le 8 novembre 2013).

Ce "retour" de Washington dans la région butte sur les nouveaux rapports de force, sur un élan populaire émancipateur, toujours dynamique. Au Chili, Michèle Bachelet va être élue avec le soutien des communistes. Au Honduras, victime en juin 2009 d'un coup d'Etat pro-américain contre le président progressiste Zelaya, on vote le 24 novembre. Barak Obama, la droite hondurienne, les paramilitaires, les forces répressives, l'oligarchie, veulent empêcher à tout prix la victoire de la candidate du nouveau parti "Liberté et Refondation", en tête dans les sondages; le parti, fédérateur, se revendique courageusement du socialisme. Sa candidate, Xiomara Castro, est précisément l'épouse du président Zelaya, renversé par le coup d’État. Insupportable pour Washington, la CIA et le Pentagone!
Au Brésil , la présidente Dilma Rouseff fulmine contre l'espionnage électronique de la NSA dont elle a été victime, ainsi que la puissante compagnie pétrolière nationale Petrobras. Lors de l'Assemblée Générale de l'ONU, le 16 octobre 2013, à la tribune, elle a accusé Washington de violer la souveraineté nationale des pays. Elle a même annulé, évènement majeur, un voyage officiel , à l'invitation du président Obama.

Le "repositionnement" des États-Unis en Amérique latine accentue les polarisations sociales, politiques; il menace la stabilité d'un continent qui reste envié pour sa "croissance", ses politiques de redistribution, d'inclusion sociale, de souveraineté nationale, son recul de la pauvreté, sa déconstruction  des rapports de domination, la primauté du politique, la recherche de chemins post-capitalistes, l'ouverture de "chantiers socialistes du 21 siècle", "d'utopie en actes". L'"arrière cour" des États-Unis, répètent avec pertinence les militants latino-américains, "c'est aujourd'hui vous, l'Europe".

Jean Ortiz

21/11/2013

Dole a pris des cheveux blancs

 

Dole a pris des cheveux blancs

 

Dole en novembre, c'est Londres qui attend les bombardements.
"Ici Dole. Les ex Dolois parlent aux Dolois".
"Iciii Doll. Iciii Doll". C'est la gare. Le passé ne meurt jamais.


A "Dol", tout le monde a un accent. Les Dolois sont donc des étrangers. Que nenni!! Les classes du lycée Nodier qui m'accueillent, considèrent que "c'est moi qui ai un assent". D'entrée, nous voilà dans le vif du sujet, Manuel.

Un jeune kabyle, IDIRien, défend que l'on est toujours l'étranger de quelqu'un.

"DOLL, Doll", quarante ans après "mon premier poste de prof": déporté à l'Est. A l'Est!! Ils l'ont fait exprès! Au pays du "fromage réel".

 

En cette fin novembre 2013, il dol tellement à Dole qu'il n'y a personne au "Café de la Navigation". La mer est triste à Dole et les bistrots attendent l'improbable retour des péniches estivales.

 

A Dole, tout a vieilli. TOUT. Les façades noires du centre ville ont blanchi. Le problème n'est pas qu'elles soient devenues blanches, mais bien : qu'est-ce qui les a fait blanchir? Le canal des tanneurs et ses ateliers jadis au ras de l'eau, aujourd'hui disparus, ont tanné le temps et ses archives. Quelques canards rappellent que la maison natale de Louis Pasteur s'ennuie. Le Canal du Rhône au Rhin et le port fluvial se cachent derrière une inquiétante cagoule de ciel bas et brouillageux. Le vieil hôpital est devenu Médiathèque et un nouveau pont vous ôte le Doubs.

Les camarades qui m'hébergent ont acheté une ruine au cœur du vieux Dole et en ont fait une ruine néo-moderne, avec un escalier si pentu que l'on accède au troisième étage par une corde lisse. Lui a tellement baroudé que ses moustaches blanches tirent vers le rez-de-chaussée, et elle, chef de brigade, milite dans "le culturel". Pendant leurs longues heures d'hivernage, ils fabriquent un apéro jurassien; le "macvin", une espèce de sous-vermouth que l'on boit pour oublier qu'il est jurassien.

Il a neigé à cinq heures du matin. Une neige vite oubliée.

 

Pour aller chez le fromager, on emprunte un "traje" ("traboul" à Lyon), une sorte de coupe-gorge qui sépare en deux un pâté de maisons. Quarante ans après "mon premier poste", je m'enivre à nouveau au vacherin et à la cancoillotte. Lorsqu'un pays fabrique de tels fromages, on lui doit au moins la reconnaissance du ventre et des sens.

Avant le débat du soir sur "le Winnipeg", je me réconcilie avec le quotidien "Le Progrès". Il annonce que, dans un village, une employée municipale s'est suicidée par le feu, "rue du Four". Où sont désormais les relecteurs? Et les cheveux noirs d'antan? Gérard vit dans une tour de Babel de livres blancs qu'il s'est promis de lire un jour. Ah Gérard, Gérard... Elle, elle collectionne les annuaires téléphoniques pour se souvenir des téléphones de ses proches.

 

Le soir, chez "les Creuse", je retrouve quelques camarades communistes de l'époque, ma famille doloise d'adoption... quarante après... Robert, Marc, Nelly... comme si c'était hier, plus les cheveux blancs. Robert a les yeux embués. Tu reviendras? Nous avons fait (et faisons) signifier nos vies, dévorées de rêves, et de luttes qui semblent perdues, mais que le temps gagnera.

"Ici Doll". La boucle est bouclée. Le TGV en provenance de Lausanne est bloqué par la neige, trop blanche. Un nouveau western ferroviaire commence. Encore du noir. De ma valise émane une odeur de chaussettes noires trop longtemps portées: le vacherin, blanc crémeux, assure.


Jean Ortiz

16/11/2013

La révolution et les coucougnettes

 

La révolution et les coucougnettes

 Je rentre d'une série de conférences-débats, souks-idéologiques-chantésparlés, de la politique-poético-utopico-lespiedsurterre, précisément sur Marinaleda, sur la lutte de nos camarades andalous du SAT pour la terre, et sur "les révolutions" en Amérique latine... Compte-rendu de la première à Bordeaux, la ville du repris de justesse.

 Du monde, du monde!! tiens, tiens!! Serions-nous à ce point en panne d'alternative? Des jeunes, des moins jeunes et mieux rasés, un public de cocos-écolos-alternatifs-vertsrouges- notredamistesdeslandes, coopérateursrêveursconcrets et même des "marginaux", des libertaires, et quelques socialistes "de gauche" (la redondance est désormais nécessaire, Pierre Bourdieu y insistait déjà). Bref, une mezclagne de gauchistes impénitents (et tentes), jadis "petits-bourgeois provocateurs et irresponsables", à me faire exclure du PC pour "mauvaises fréquentations", et à effaroucher les plansdecarriéristes.

 D'entrée, le grand prêtre saigne une poule et s'exclame: "dans le système actuel, nous sommes tous ici des subversifs, des antisystèmes, donc des marginaux fiers de leur "marginalitéquipréfigurelemondenouveaudedemain", si brique par brique, à deux mains, nous commençons à le construire dès aujourd'hui. Et des aujourd'huis, il y en a  tous les jours.

José mange des "coucougnettes" et se demande où va le conférencier...

 "Ta race", con; j'ai causé dans un repaire!!! Il paraît qu'il est inféodé à la secte daniéliste "là-bas j'y reste", et que la célébration se déroule selon un rite veau doux ancestral du vignoble bordelais. Ce repaire à l'air d'un bar malfamé des bas quartiers lumfardesques du port de Buenos Aires.  Mal llamado "Bar de la Marine" (allez comprendre), il est autogéré mais il faut se garer loin, et ouvre à 19 heures pétantes. La militante qui s'est emparée du service boissons confond rhum Bacardit (de la CIA) et Habana Club fidéliste; ça commence mal!! La messe noire et rouge se revendique d'un partenariat avec l'association "Ay! Carmela". Ses deux gourous, José et Emmanuel, que je réprimande parce qu'ils parlent de "guerre civile", se marquent à la culotte mais paraissent ici comme des poissons dans le pinard.

 La soirée se termine par la faillite des milliardaires en maillots au coq... Déjà le coq. S'ils devaient payer leurs impôts en France pour pouvoir jouer en équipe nationale, elle serait décimée, et Pierre Laurent devrait servir d'avant-centre. Donc: vive l'évasion fiscale! Elle permet à nos footeux de marquer des buts et de nous faire oublier qu'Hautllande est si bas, six polders, que si le Mistral soufflait à PARIS comme il souffle à ELNE chez le père Nicolas aux baccantes gitanes : ON POURRAIT CRAINDRE LE PIRE.

 Epuisé, je suis hébergé chez le José qui Pétrit à domicile pendant que Emmanuel fait le dos rond.

Ce José a hérité d'un cop palois qui a pris le TGV et a payé sa place au prix d'un "billet pour chien". Il veille sur trois poules et ses amours multiples l'ont fait devenir plus viril que jadis. Cette estampe identitaire (sans béret ni beau nez rouges) m'a immédiatement reconnu et s'est mise à chanter en pleine nuit sans que le jour ne se lève. A quoi sert-il donc qu'il chante? Qu'il ponde plus tôt des œufs! Les Français, les vrais, de souschezeux, le parent de toutes les vertus alors qu'il marivaude, qu'il butine, qu'il coquèle, qu'il sautepoulaye, qu'il vit des minimas céréaliers que lui fournit son maître, dont il ne baise même pas la main.

 Je m'écrie, Indigné: "du blé, du blé pour ton poulet !" "Li-bé-rez Fidel!" (Pétrie l'a appelé Fidel parce son plumage tire sur le rouge). "Le coq, le coq, la co-que-lutte!" Et la révolution reprend le dessus. Peut-on passer du coq à l'âne sans perdre le fil?

 Jean Ortiz