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30/07/2012

Le taureau communautaire et le candidat putschiste.

Le taureau communautaire et le candidat putschiste.

Le programme intégré laitier du gouvernement repose sur plusieurs piliers:
1. amélioration des races par importation de nouveau bétail et recherche génétique: La finca "La Esperanza" (Guanare, Etat de Portuguesa) est gérée par le Lieutenant-Colonel José Escalona. Ce militaire d'origine paysanne, revenu à ses racines, possède une ferme pilote. La Fédération des éleveurs (FEGAVEN) veut en faire un centre génétique moderne à la disposition des paysans.
2. la banque de ventres. Lorsqu'un paysan reçoit un lot gratuit de nouvelles bêtes, il s'engage à céder les jeunes nés chez lui à la Fédération. Mais il garde pour lui le bénéfice du lait et ses produits dérivés.
3. l'organisation des paysans en conseils de producteurs autonomes, avec un président élu. Ils montent des projets, les soumettent aux conseils communaux, et ils gèrent leur secteur. Tous les investissements sont décidés au niveau local, en assemblées citoyennes (conseils communaux, conseils de producteurs...)
4. les nouveaux centres de collecte du lait. Ils permettent d'ouvrir un débouché garanti aux nouveaux petits producteurs laitiers.
5. l'institution du "taureau communautaire" fonctionne dans le même esprit de partage et d'amélioration des races. Le taureau reproducteur est confié à un paysan qui doit le prêter à la communauté. L'animal, que nous n'avons pas pu interviewer, est choyé, et passe son temps à folâtrer... Ce taureau "communiste" (boutade!!!) apparaît comme une mascotte emblématique de la révolution à la campagne.

Pendant ce temps, le candidat de l'opposition cherche à se refaire une vertu, faire oublier son passé putschiste, mais n'a pas encore dit ce qu'il ferait du taureau. Un récent ouvrage "Abril, golpe adentro" (Les dessous d'un coup d'Etat) du journaliste Ernesto Villegas, reproduit des conversations enregistrées la nuit du putsch (11 avril) à l'Ambassade cubaine. Elle est entourée de manifestants anti-chavistes qui menacent de la prendre d'assaut. La situation s'aggrave d'heure en heure. Le maire de Baruta, un certain Henrique Capriles Radonski, actuel candidat de l'opposition, est envoyé par les putschistes à l'Amabassade pour la fouiller, à la recherche de dirigeants chavistes supposément réfugiés. Il insiste lourdement auprès de l'Ambassadeur, qui refuse, invoquant l'inviolabilité des locaux diplomatiques (convention de Vienne, avril 1961). Capriles doit repartir bredouille. Plus tard, il sera jugé pour "violation des principes internationaux, violence privée, violation de domicile, intimidation publique, etc." Condamné, il fera 4 mois de prison à partir de mai 2003, sera amnistié en 2006, et l'affaire réouverte en 2008. Tout est attesté par des documents irréfutables. Aucun média d'opposition n'en parle. Le candidat de la démocratie, des libertés et des droits de l'homme a un passé putschiste. Le taureau, lui, chasse les mouches avec sa queue.

Jean Ortiz.

29/07/2012

L'axe Caracas-Brasilia- Buenos Aires se renforce.

L'axe Caracas-Brasilia- Buenos Aires se renforce.

Toujours dans l'Etat andin de Mérida. Le Venezuela, c'est plusieurs pays en un.
Une délégation argentine conduite par le ministre de la planification, Julio de Vido, et le président de la compagnie argentine des Pétroles, récemment nationalisée (YPF, Yacimientos Petrolíferos Federales), est à Caracas pour traiter de la stratégique question énergétique. De nouveaux horizons s'ouvrent aux trois pays... Le 31 juillet prochain, au Brésil, le Venezuela rejoindra officiellement le MERCOSUR, "marché" (et pas seulement) commun du sud. Pour le Venezuela, il s'agit d'un fait historique, qui lui permet, selon Chávez, de "récupérer des décennies de retard". Il consolide le projet bolivarien, donne plus de poids au pays.
L'Argentine YPF participe d'ores et déjà à l'exploration et à l'exploitation sur la frange de l'Orénoque, qui recèle d'énormes réserves pétrolières. La compagnie venezuelienne d'Etat, PDVSA, est devenue actionnaire de YPF. Le Venezuela peut s'appuyer sur un socle pétrochimique déjà solide. L'axe Caracas-Brasilia- Buenos Aires constitue le fondement stratégique du Mercosur. Après la délégation argentine, c'est au tour d'une délégation brésilienne de séjourner à Caracas pour préparer l'adhésion au MERCOSUR. Les dirigeants de la Compagnie brésilenne, Petrobras, dans laquelle l'Etat est majoritaire, partagent axes, coopération et priorités avec le Venezuela, malgré les asymétries entre les différents pays.
Le président Chávez vient d'inaugurer le complexe pétrochimique Ana María Campos, dans l'Etat à majorité conservatrice du Zulia.
Devant ce nouveau pas vers une intégration continentale équilibrée, mutuellement avantageuse, Washington enrage. Le gouvernement a multiplié les intromissions, manoeuvres, pour empêcher l'entrée du Venezuela au MERCOSUR. Résultat: nouvelle claque. "Pa'lante, Comandante". Partout où nous passons, "En avant, avec le Commandant".

Jean Ortiz

28/07/2012

Prenons de la hauteur

Prenons de la hauteur.

Nous sommes dans l'Etat de Mérida, à Mucubají (2500 m d'altitude). La montée a été somptueuse, des paysages à couper le souffle, des zones de "páramo" (plaines d'altitude), et jusqu'en haut, des villages qui ne dégagent nullement une impression de misère. Il fait 10 degrés au milieu des brumes...

A Collado del cóndor, sur un coin de table, nous en profitons pour faire un premier point sur les paradoxes et les contradictions de cette "révolution bolivarienne". L'ami Hector se fait provocateur : "Sais-tu quel est le fromage ("queso" en espagnol) national au Venezuela? Le "¿Qué es eso? Revolución", jeu de mots pour exprimer des contradictions de ce que les chavistes considèrent comme une "transition vers le socialisme". Une transition.

L'économie reste majoritairement capitaliste, mais le cap est fixé vers la sortie. C'est ce que nous a confirmé un syndicaliste de la "Compagnie de Ciments Táchira" (ex Ciments Lafarge expropriés) sur les hauteurs de San Cristótal, à Palo Grande, 1 400m d'altitude.

Situation un peu schizophrénique, mais le président Chávez n'entend pas brûler les étapes. Si le discours reste très radical, très anti-bougeoisie, la réalité apparaît en retrait par rapport à la proclamation. Dans certaines régions conservatrices, plusieurs dizaines de dirigeants paysans ont été assassinés par les hommes de main de grands propriétaires. Ces derniers proposent parfois le prix fort à des paysans qui viennent de recevoir un lopin de terre, afin de le leur racheter.

Malgré l'objectif réitéré de "sécurité alimentaire", plus de 70% des aliments sont importés. Ce qui fait dire à l'opposition que les ports sont les plus grandes propriétés du pays.

On ne résoud pas en quelques années les déformations structurelles de l'économie d'un pays... La révolution bolivarienne se fait démocratiquement, par la voie des urnes, dans le pluralisme, ce qui suppose de convaincre, et non d'imposer. La révolution manque encore de cadres politiques et techniques dûment formés...

L'originalité du processus venezuelien de transformation sociale repose sur un impératif moral, démocratique, adapté au contexte: mener la lutte des classes tout en recherchant l'adhésion, la conviction les plus larges, et les compromis nécessaires avec le secteur privé, présenté par Chávez comme un atout, et non comme un ennemi.

Face à l'agressivité de Washington, aux provocations, aux menaces, relayées par une étrange coalition d'opposition: droite et extrême droite, "sociaux-démocrates Adecos (parti Action Démocratique)", démocrates chrétiens du COPEI, quelques transfuges de l'extrême gauche, grand patronat local ("Fedecámaras", équivalent du Medef), le régime doit veiller à maintenir une certaine cohésion sociale et nationale. D'où le discours patriotique permanent du président, ses références au Libertador et à la nécessité de conquérir une vraie et définitive indépendance, de "faire nation" ensemble.

Sur le bord de la route, un jeune nous propose un chiot "Mucuchíe", semblable à un de nos Saint-Bernard... Les "dulces de leche" (confiseries à base de lait condensé) sont savoureuses mais n'aident pas à maigrir.

 

Jean Ortiz