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27/07/2012

Bolívar est vivant!

Bolívar est vivant!

Ecrit de la cordillère des Andes, face au Pic Bolívar, le plus haut sommet du Venezuela... qui est également le nom d'un journal local.

Il y a 229 ans naissait le Libertador. Pour savoir s'il s'agissait bien du corps de Simón Bolívar, Chávez a fait exhumer les restes le 15 avril 2010, et les scientifiques ont confirmé qu'il s'agissait bien du fondateur de cinq Etats latino-américains. Le président Chávez a demandé aux spécialistes, à partir de l'examen du crâne et d'une expertise antropologique, avec les nouveaux moyens de la science, de reconstituer le visage digitalisé du Libertador. Le résultat est à peu près conforme aux portraits et peintures que l'on avait de lui; il le projette seulement en trois dimensions. Mais la droite hurle: "Chávez donne un nouveau visage à Bolívar" (journal Tal Cual). Furibarde, elle crie au sacrilège : Chávez aurait chavisé le visage du Libertador! Surtout le nez et les oreilles! "Il l'a fait pour qu'il lui ressemble"! Les couches moyennes supérieures et la bourgeoisie ont pour Chávez un mépris de classe et de race. Comment un président peut-il avoir des origines aussi modestes, et de surcroît, être métis d'Indien et de Noir? "Zambo"!

Le peuple, lui, a accueilli cette reconstitution avec une grande émotion. De droite comme de gauche, depuis que Chávez l'a revendiqué, réhabilité, tout le monde se revendique du Libertador, même le candidat "pitiyankee", néologisme de Chávez pour désigner les élites pro-américaines, descendrait d'un frère de Bolívar.

Les Droits de l'Homme et les libertés.

Depuis notre arrivée, nous avons pu constater que la majorité des médias écrits et télévisuels sont anti-chavistes, et qu'ils font dans le registre "guerre idéologique", "médias mensonges". Alors que tous les indicateurs, les spécialistes, les instituts, l'ONU, l'UNESCO, etc. constatent un recul massif de la pauvreté depuis 15 ans, les médias conservateurs, les anciens sociaux ou chrétiens démocrates, osent titrer sur une "augmentation de la pauvreté". Le candidat de l'opposition, dans un discours devant quelques dizaines de vieilles dames, a promis, s'il est élu de supprimer les queues... Faut-il en rire ou en pleurer? Contrairement à la plupart des pays latino-américains, ici, il n'y a quasiment pas de mendiants ni de gamins des rues qui se précipitent sur le touriste (il y a d'ailleurs fort peu de touristes) pour le solliciter.

Le Venezuela vient de quitter avec fracas la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, manipulée par Washington. Elle vient de blanchir un terroriste, Díaz Peña, et de condamner le Venezuela, coupable de "violation de l'intégrité physique" durant sa détention en 2004. L'accusé fut condamné à 9 ans de prison pour des attentats contre l'Ambassade d'Espagne et le Consulat de Colombie en 2003. Après 4 ans et demi de détention, il obtint de ne retourner en prison que pour dormir; il en profita pour fuir à Miami et accuser le gouvernement venezuelien de "traitements inhumains". Le sang de Chávez n'a fait qu'un tour, et il a envoyé bouler la dite Commission, avec pertes et fracas, une Commission, il est vrai, très partiale.

Nous avons enfin trouvé des partisans de l'opposition dans l'Etat de Táchira, où ils sont majoritaires. La rencontre ne fut pas amicale, nous y reviendrons dans notre reportage pour l'Humanité Dimanche.

10 degrés. On se pèle! Au menu: "pisca andina" (soupe des Andes venezueliennes)

Jean Ortiz.

26/07/2012

Chroniques venezueliennes María la rouge

María la rouge, Chávez et la "boli-bourgeoisie".

  Au Venezuela bolivarien, lorsque l'on est chaviste, on affiche la couleur dans la rue. Chemise ou tee-shirt rouge, casquette rouge.

María Barcos est militante du PSUV du secteur Sabana Larga, Municipe Papelón. La trentraine énergique et pétillante, cette pasionaria a le verbe haut, passionné et surtout critique. Les militants qui l'entourent ne sont pas à proprement parler des féministes...

"Pionnière" du parti dans la région en 2007, adoubée par le Comandante, elle s'investit dans un travail politique de fond: de porte en porte, toujours prête, selon Juan José, à mobiliser pour aider les communautés, les fournir en médicaments, ampoules électriques, distribuer des tracts. Tout le contraire d'une bureaucrate ou d'un "boli-bourgeois". Elle n'en finit pas de pester contre eux, contre les opportunistes, et cette bourgeoisie chaviste infiltrée dans l'appareil pour freiner la révolution, sauvegarder ses intérêts. Elle est furieuse, parce que dans son secteur, les "chefs" ont décidé des propositions de candidatures à la députation sans consulter les militants.

La parole de cette base chaviste n'épargne pas les gouverneurs, les maires ou les députés "que no cumplen" (qui ne font pas leur boulot). C'est que le parti est jeune, nombreux (plus de 6 millions de membres) et relève pour l'instant plus d'un mouvement hétérogène que d'un vrai parti. S'y mèlent d'anciens "adecos" (sociaux-démocrates), d'ex-guerrilleros, des dizaines de milliers de nouveaux adhérents aux motivations plurielles: patriotiques, anti-impérialistes, affectives, attachement au président, et soif, pour beaucoup, d'une société nouvelle que le président appelle depuis 2005, "socialisme du XXIe siècle".

María assure la coordination du "Pôle patriotique", rassemblement large, qui soutient la révolution et la candidature du président. Le Parti communiste du Venezuela appartient à ce pôle ainsi qu'une dizaine de petits partis de gauche. Les ex-ultra gauche de "Bandera roja" ont rejoint l'opposition.

María voue à Chávez une affection et une confiance totale, "il ne peut pas mourir". Et d'ailleurs, María Lionza, la sainte indienne de l'Etat du Yaracury, fait des miracles pour lui. María veut aller jusqu'au socialisme, et n'a pas peur du communisme. A voir Chávez à la télevision, on a du mal à s'imaginer qu'il est un convalescent: il reçoit des délégations, argentine, le lendemain brésilienne, parle et explique à n'en plus finir, avec une énergie surprenante. Il ne ménage pas le "candidat de la bourgeoisie" qu'il a baptisé de l'expression populaire qui fait florès, le "majunche" (l'insignifiant), et c'est vrai, comme dit Chávez, et pour reprendre l'expression de Camus (ou Saint-Ex?), "il ne fait pas bouger d'air lorsqu'il se déplace".

Dans la petite "posada" (pension de village), l'orage de la nuit a provoqué "apagón" (coupure de lumière) et coupure de l'eau.

5h du matin, départ pour un nouvel Etat. Confirmation des vertus du déodorant.

 

Jean Ortiz

24/07/2012

Au bout de la piste, la révolution

Au bout de la piste, la révolution

Etat de Barinas, état natal du president Chavez. Nous avons choisi de fuir les sentiers battus; la plupart des journalistes les emprunteront en septembre pour dénigrer les changements en cours au Venezuela.
Apres un trajet de cahots poussiéreux sur une mauvaise piste, nous arrivons a la ferme La Guayana, dans le municipio Ezequiel Zamora, chez un petit producteur aidé par la Federation bolivarienne des éleveurs et agriculteurs du Venezuela (FEGAVEN). Il y a quelques années, un grand proprietaire possédait ici  9000 hectares. La révolution lui en a confisqué 4000, pour les redistribuer aux paysans. Dans les endoits les plus reculés, cohabitent les vieilles masures paysannes avec les maisonnettes en dur, "chavistes", et construites récemment par le gouvernement, nous disent fierement les "llaneros".
La révolution avance, mais la structure de la propriété agricole reste encore majoritairement latifundiaire. Selons les paysans du PSUV qui nous accueillent, Melqui Mesa, Orlando Mora, Antonio Campos, Anibal Pava, "la lutte est dure, tendue; elle sera longue, mais on ne reviendra pas en arriere". Ils nous offrent du fromage frais de buffle, un bétail jadis réservé aux grands proprietaires, et que le gouvernement bolivarien introduit aujourd'hui massivement (4 millions de tetes). Avec 4 litres de lait de buffle, on fabrique 1 kilo de fromage. Chaque petit producteur bénéficie d'une grande facilite pour accéder a des crédits, dans des conditions particulierement favorables.
Nouvelle piste jusqu'a la ferme El Triangulo. Memes constats. La révolution a commencé a changer la vie des petits et moyens paysans. L'agriculture, longtemps laissée a l'abandon, ne représente encore que 10% du PIB.
Depuis 2 ans, le programme dénommé "Agropatria" a remplacé la multinationale espagnole "AgroIsleña", nationalisée, qui fournissait semences et produits chimiques aux paysans en échange de 60% de la récolte. Aujourd'hui, c'est l'Etat qui a pris le relais, a des prix désormais "solidaires". Dans les endroits isolés, la plupart des familles omt l'eau et l'électricité.
Ici, exotisme assuré: oiseaux de toutes les couleurs, fruits étranges, et la musique "llanera", a base de harpe et de "cuatro" (guitare a quatre cordes), qui pleurniche l'amour. De retour au village, des militants peignent sur un mur: "Chavez, candidat de la patrie".
Nous achetons le journal "La Nacion". Titre énorme: "7 morts par des tueurs a gages dans l'Etat du Tachira". La droite joue avec l'insécurité, l'instrumentalise jusqu'a plus soif politique. Elle en fait son programme, sa stratégie principale. Nous pouffons de rire en appenant par ce meme journal que le candidat Capriles (il appartient au parti le plus a droite de la coalition MUD, "Primero Justicia" -La justice d'abord-, avec les "sociaux démocrates" d'Action démocratique, des restes du parti démocrate chrétien COPEI, tous les vieux politicards de la IVe République et de son bipartisme) descendrait, selon un généalogiste, de la famille de Simon Bolivar. Il a du subir plusieurs mutations génétiques... Le 24 juillet 1783 naissait Simon Bolivar. Bon anniversaire, Camarade Libertador!
Anecdote du jour: un buffle "manso" de  1 000 kilos est plus facile a toréer qu'un "toro bravo".
40 degrés; on dégouline...
Menu du soir: "arepas" (galettes de mais) et "carne mechada" (viande effilochée).

Jean Ortiz