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31/07/2012

Dernière chronique

Le blues, le vague à l'âme, la "saudade", la "añoranza" des révolutionnaires.

 

Amis, "camaradas", lecteurs de l'Huma, de l'HD, nous vous donnons rendez-vous, avec un peu plus de recul, fin août, dans l'HD.

Baillonnés, fliqués, amaigris, nous mettons un point final à nos "chroniques venezueliennes"... Comme on nous a refusé l'asile politique, nous allons rentrer en France, continuer le combat.

Le Venezuela chaviste est un pays laboratoire d'expériences sociales et politiques passionnantes. Nous sommes convaincus que le résultat des élections présidentielles du 7 octobre concerne tous les révolutionnaires et progressistes du monde. La droite ne s'y trompe pas. Les Etats-Unis, la CIA, les grands médias internationaux, multiplient leurs campagnes de démonisation de la révolution, et de son leader, voire de criminalisation. Tous les sondages, n'en déplaise à l'immense écrivain et nain politique Vargas Llosa, donnent Chavez largement vainqueur. Le scénario impérialiste se précise de jour en jour: Capriles doit gagner. S'il ne gagne pas, c'est qu'il y aura eu fraude... On dit même qu'il pourrait, au dernier moment, retirer sa candidature pour susciter le chaos...

Communiste français, nous nous sommes présentés comme tels ici. Il y a encore beaucoup à partager, à échanger, avec les militants de cette révolution en marche. Elle ne sort pas du néant; les luttes populaires au Venezuela ont une longue tradition, même si le pacte de "Punto fijo" (1958), alternance au pouvoir des sociaux-démocrates (AD) et des chrétiens démocrates (COPEI), a tenté de les verrouiller par le bipartisme. Les années 1960 furent des années de grands combats politiques et sociaux. Le bolivarianisme a ici des racines anciennes. Le "cap socialiste" clive la population; la conquête des couches moyennes reste un enjeu essentiel.

Le quotidien à grand tirage gratuit Ciudad Caracas (120 000 exemplaires) nous a interviewé. Nous avons noué amitié avec son directeur, Ernesto Villegas, et le journaliste iconoclaste Julian Rivas, et beaucoup d'autres "chavistes".

Le pays a beaucoup changé depuis notre dernier séjour. "L'insécurité" reste la préoccupation principale de la population, loin devant tous les autres problèmes. Le Venezuela d'aujourd'hui n'a que peu en commun avec un pays du tiers-monde. Il déborde de possibles, mais aussi de conflits sourds qui peuvent, si Washington persévère, plonger le pays dans un bain de sang. Ici, la stabilité, la tranquillité, quoi qu'en disent les "chiens de garde", c'est Chavez. Les affiches clament: "Chavez, coeur de ma patrie". Nous n'avons rencontré aucun touriste; pour le pays, ce n'est pas une priorité, et il n'a pas pris la peine de développer les structures adéquates.

Le Venezuela n'est pas un modèle, mais un puissant stimulant. Nous terminons nos chroniques convaincus que la solidarité en Europe n'est pas au niveau suffisant, vu la force des enjeux et la stigmatisation permanente. Dans les rues de Caracas, on nous interpelle: "Eh, l'Humanité, on t'a vu à la télé...!"

Avec le chavisme, le taux de pauvreté générale est passé de 50% en 1998 à 27% aujourd'hui. IMPARDONNABLE!

40 degrés. Travail terminé. Merci à Marielle, spécialiste Es-cybercafé.

Enfin un "Cuba libre" et un hamac ... résistant!

Jean Ortiz

Etudiants en révolution

Etudiants en révolution.

La révolution a pris à bras le corps la question universitaire (formation initiale et continue), pour en faire une priorité nationale. Simon Bolívar disait: "un être inculte n'est pas complet". Le chavisme a d'abord multiplié les "missions" (politique d'urgence, qui tend à devenir une politique tout court) et engagé une démocratisation indéniable de l'enseignement supérieur. Selon Andrés Pérez, universitaire et syndicaliste de la centrale bolivarienne, "la démocratisation se heurte encore aux vieilles structures, aux mentalités d'ancien régime (la Quatrième république), et à la résistance de l'opposition forte à l'UCV, Université Centrale du Venezuela, université principale, avec 52 000 étudiants, comme à l'Université Simón Bolívar".

Les étudiants de ces universités gratuites publiques sont encore majoritairement d'origine bourgeoise et petite-bourgeoise. Ils considèrent le chavisme comme une idéologie totalitaire, qui veut laver les cerveaux... plutôt lents dans ces couches.

Nous avons rencontré Ana Acevedo, étudiante en Licence d'antropologie à l'UCV: "Le recrutement social tend aujourd'hui à s'élargir, et l'origine sociale à devenir plus populaire". L'université publique, selon elle, reste dans l'ensemble dénuée d'esprit critique, et figée sur des programmes cinquantenaires. Ana dispose d'une bourse suffisante pour vivre.

Afin d'optimiser la démocratisation, le gouvernement a ouvert des universités bolivariennes, décentralisées, revendiquant des contenus et un enseignement novateurs. Elles ont fait exploser les inscriptions (augmentation de 300%), et le nombre d'étudiants, de 18 ans à 90 ans, est impressionnant. Pour les "escuálidos" (on appelle ainsi les membres de l'opposition: "les trois fois rien"), Chavez embrigade le pays. La campagne d'alphabétisation en a quasiment fini avec l'analphabétisme. Un premier bilan du fonctionnement de l'UBV (Université Bolivarienne du Venezuela) permet de confirmer la formation d'esprits critiques, une massification irrécusable, mais qui nécessite encore des efforts qualitatifs. Selon Ana, "les jeunes diplômés n'ont pas de problème de chômage et trouvent rapidement du travail". Sortir de l'UBV donne un débouché quasi certain.

L'apport le plus important de ces révolutions éducatives, culturelles, après avoir longuement discuté avec des collègues, nous paraît être la "déyanquisation" des esprits, la réappropriation d'une histoire, l'estime de soi, la fierté recouvrée pour un ancrage national, pour un processus patriotique. Ici, ce mot n'a aucune connotation négative; le processus est inédit, endogène, et ne ressemble à aucun modèle existant ou ayant existé.

Jean Ortiz

30/07/2012

Retour a Caracas

Retour a Caracas.

 Nos chroniques n'ont d'autre ambition que d'esquisser pour le lecteur de l'Huma et de l'HD, a grands traits, colorés, avec quelques touches d'humour, n'en déplaise aux grincheux, les contours d'un pays en transition vers un systeme qui se détache progressivement du modele néo-libéral, sans rupture brusque, mais avec un objectif globalement défini et assumé: le "socialisme du XXIe siecle" dans des conditions de lutte intérieures et extérieures tres tendues. Des nouvelles formes de démocratie, de propriété, de relations de production, se mettent en place. Le processus doit beaucoup a Chávez; il est est le moteur, le catalyseur, le fédérateur. Son role est pour l'instant irremplacable. La révolution se fait au quotidien, dans le pluralisme: 14 campagnes électorales (une par an). Nous avons parcouru des milliers de kilometres; le pays est riche, divers, dispose d'un potentiel énergétique énorme (400 milliards de barils de pétrole dans la seule franje de l'Orénoque, de quoi exploiter pour plus d'un siecle). Le Venezuela a sans doute les réserves pétrolieres les plus importantes au monde. On comprend des lors le pourquoi de la convoitise et des agressions de Washington. Le pays, centralisé, bien qu'il s'en défende, autour de Caracas, devrait se décentraliser rapidement et se redéployer vers les régions pétrolieres de l'Oriente, métis, mulatre, caribéen.

Nous n'avons pas prétendu a une analyse de fond, nous avons volontairement survolé certains themes, inédits et fondamentaux pour les développer plus tard, pour les lecteurs, notamment, de l'HD. Certains, sont des marqueurs de ce processus:

- mise en place de l'autogestion, du pouvoir populaire, de la démocratie directe, des conseils communaux, et surtout des "communes"

- les "Missions" sociales, culturelles, éducatives, etc.

 - les nouveaux villages

- l'entrée au MERCOSUR et l'intégration continentale

- le plan du gouvernement (Plan Patria) pour 2013-2019, qui programme "plus de socialisme".

Dans les Etats de Zulia et de Táchira, gourvernés par l'opposition, nous avons rencontré des humbles qui ont peur du socialisme, du "communisme", qui vont voter contre Chávez. Dans les régions conservatrices, l'opposition est agressive, haineuse (nous avons pu le constater directement), et mise déja sur la déstabilisation par la contestaion du résultat des urnes, le 7 octobre.

 De retour a Caracas, place Bolivar, un prêcheur évangéliste cotoie des dizaines de jeunes chavistes qui répetent leurs slogans. Les journaux font écho au discours de Chávez, qui se considere "soldat de Jésus". La presse d'opposition insiste sur les insatisfactions populaires; on se dispute le journal gratuit, et pourtant de qualité, "Ciudad Caracas", dirigé par l'ami Ernesto Villegas. Sur un podium, un groupe musical interprete des textes de Ali Primera. Le théatre de rue "la ruta histórica" fait revivre aux passants l'épopée de Simón Bolívar, et le coup d'État contre Chávez d'avril 2002.L'inventivité popuaire est surprenante. Dans la rubrique "opinion" du quotidien "Quinto Día", Domingo Alberto Rangel écrit: "les systémes démocratiaues des pays des deux rives de l'Atlantique Nord vivent une décadence insupportable. L'Europe est non seulement vieille, mais elle veut transmettre son obsolescence aux autres continents, spécialement á l'Amérique latine.

A la Foire du Livre, 30 centimes d'euro l'ouvrage, nous rencontrons le grand poete venezuelien Gustavo Pereira. Pas besoin de lui présenter l'Humanité. Il connait! Il parle parfaitement francais, et a récemment écrit dans "Les etres invisibles": "un grafitti des années 1960, sur un mur de Montevideo disait ' Celui qui seme la faim récolte des révolutions'. Au Venezuela, nous vivons un processus qui tente enfin de traiter a la racine ce drame. Le gouvernement s'efforce de privilegier justice sociale au dela des mots, et des pactes secrets entre les puissants venezueliens et les multinationales. Ce n'est pas seuleñent réthorique, il s'agit avant tout de rendre visibles, c'est-a-dire acteurs de leur histoire, les etres invisibles. C'est-a-dire les déshérités. C'est-a-dire ceux qui constituent 80% de notre population. (...) Avec la solidarité des 'justes du monde'. Tu peux y mettre les communistes francais. Abrazo a l'Huma et a l'HD."

Caracas. 35 degrés. Au menu: poulet aux poivrons piquants et travail volontaire, pendant que nos amis du journal Nicolas, Stéphane, Cédric, PAM, Bernard, Cathy, et nous en passons, se dorent au soleil!

Jean Ortiz.